11-12 avril
Ce n'est pas le premier homme qui ait marché sur la lune, Alain Rey, (est-on si sûr que c'était Neil Armstrong?) - encore que je l'imagine sans peine sautillant bras dessus bras dessous avec le professeur Tournesol, parmi des cratères de lune. Je regrette de dire qu'il n'est pas non plus prouvé qu'il soit l'inventeur du moteur à réaction, désolé, ni de la fermeture-éclair. En revanche, nul ne peut nier qu'il a été le principal artisan du Robert (le Petit et le Grand), du "Dictionnaire historique de la langue française" et du "Dictionnaire culturel en langue française". Rien que des livres du premier rayon, usés, cornés, parfois déchirés - dommages collatéraux d'une rixe conjugale, caprices d'un enfant habile aux ciseaux, accidents, etc.
Il ne fait pas trop dans l'opuscule, Alain Rey. C'est un petit pharaon grammatical. Un Romain côté travail - ces gens-là ont semé des pavés dans toute l'Europe! Un maître de chais, adoré de ses vigneronnes et de ses nombreux amis. Je ne sais pas s'il a rêvé d'être scaphandrier mais avec lui, c'est le Grand Bleu: on plonge, on respire sous l'eau, on apprend des trucs, on étouffe, on rigole. Dans la mémoire des mots. Pas un cadavre qu'on ignore ou qu'on traîne, la langue française, plutôt un corps endormi, palpitant, vital, que cet instituteur flamboyant, aussi sec (que baroque!) ressuscite. C'est en outre un orateur fringant et spirituel, très délié, très brillant, mais populaire, c'est assez rare.
Avec cela, il a la tête de M. de Tréville, le vieux commandant des mousquetaires du Roi, en garde s'il vous plaît! Un bretteur? Mieux: un lexicographe. Un duéliste, une fine lame. Pire: un partisan fanatique de l'érudition et de la clarté. Il allie le goût de l'histoire et l'allégresse du présent. Pas normatif pour deux sous (pas assez aux yeux de certains puristes contemporain). On imagine toujours ces gens-là suçant les racines (des mots), avec une préférence pour le passé quand il n'est pas simple. Disons qu'Alain Rey est une exception. Il adore mordre à pleines dents dans les usages d'aujourd'hui. C'est pas parce qu'on est savant qu'on ne doit pas être léger, et puis quoi encore!
Même si j'ai déjà lu la plupart de ses chroniques dans la rubrique "La vie des mots" publiée par le Magazine Littéraire, je ne peux m'empêcher de les relire, en recueil, et sous un titre provocateur: "A bas le génie! et autres chroniques décalées", avec des illustrations de Daniel MAJA (Fayard). Avec Alain Rey, on ne s'ennuie jamais: sa prose est toujours vivace, instructive, légère; il choisit un mot, retrace son histoire, explicite les hoquets du sens; il tord le cou aux préjugés et aux légendes. Le "génie", fût-il attribé à une langue, par exemple la nôtre, il n'y croit pas: c'est une construction mythique et politique qui ne se conçoit ni ne s'énonce clairement, un "objet du culte académique"; la notion s'effrite dès qu'on s'efforce de la définir.
Lisez ça, ça repose. C'est plein de vie.
Moderne, Alain Rey, je le crois. Débile, non. Il appelle le "e-book" une "calculette à lecture" et la juge absolument dénuée de charme. Et pour lui, le charme, ça compte.
"En revanche, nul ne peut nier qu'il a été le principal artisan du Robert (le Petit et le Grand), du "Dictionnaire historique de la langue française" et du "Dictionnaire culturel en langue française". Rien que des livres du premier rayon, usés, cornés, parfois déchirés - dommages collatéraux d'une rixe conjugale, caprices d'un enfant habile aux ciseaux, accidents, etc.
"Elle doit être drôlement musclée votre femme pour vous balancer des dicos à la figure au lieu des traditionnelles assiettes, enfin, elle s'adapte et tout cela sous les yeux d'un enfant traumatisé qui finira écrivain comme Chloé. Faut que je fasse gaffe qu'elle vienne pas me péter la gueule...
Rédigé par : ororea | 11/04/2009 à 23:24
PS : fan de FF c'est une ascèse...
Rédigé par : ororea | 11/04/2009 à 23:29
Alain Rey, selon F.F., ou le portrait du vrai savoir, qui fait travailler et qui enchante :
"Pas normatif pour deux sous (pas assez aux yeux de certains puristes contemporain)." En effet, qui peut comprendre qu'on puisse parler de la langue sans être normatif ? Disons à part Queneau, Desnos, Villon, Tardieu, Ponge, les vrais linguistes, F.F. notre hôte, vous peut-être, moi aussi, qui croit que la langue peut-être une passion désintéressée, à une époque où il faut gagner plus pour être décoré ? Et la langue, faut-il la transmettre à coups de voies interdites systématiques ou de panneaux de directions alternatifs ?
Rédigé par : Critiquator | 12/04/2009 à 06:51
Complètement d'accord avec vous Frédéric, Alain Rey est une figure incontournable de la lexicographie, de la linguistique et de la sémiologie. J'aime bien aussi sa chronique "La vie de mots."
Quant à la "calculette à lecture", je lui donne tout à fait raison, elle est "dénuée de charme", c'est un robot livre sans l'odeur du papier, le toucher, plus de gribouillages, d'apostilles, de fleurs séchées oubliées à la page préférée, de sable entre les pages qui se détachent, plus d'usures, de cornes, plus de charme, plus d'amour.
Si je me retrouve une nuit, parmi les "cratères de la lune", j'emporterais certainement un dictionnaire, avec tous les mots de la terre, et de la mémoire, j'arriverais à reconstituer les poèmes de Rimbaud.
Rédigé par : Anne B | 12/04/2009 à 10:19
Enthousiaste, excessif, heureux, prolifique, décalé, passionné, A. Rey a tout des grands amoureux. Il est un jeune homme qui ne se lasse pas de parler de sa maîtresse, de la raconter, de la décrire, d'en révéler les talents insoupçonnés, de disserter sur celle qu'il considère comme la femme de sa vie, comme la Créature Absolue. Et cette femme qu'il tente d'apprivoiser depuis tant d'années, dont il essaie de percer tous les mystères magnifiques n'est autre que la langue française... Il nous rendrait presque jaloux Monsieur Rey...
Rédigé par : Franck Bellucci | 12/04/2009 à 10:50
Quelques mots à propos de Daniel Maja, dessinateur-illustrateur dont j'apprécie beaucoup le travail. Avec les fameuses couvertures de feu Moretti, il a fait les grandes heures du "Magazine Littéraire", du temps où la revue était "pensée" par Jean-Louis Hue et Jean-Jacques Brochier.
Aujourd'hui, le mensuel n'est plus ce qu'il était - cet avis (non définitif) n'engage que moi -, mais, Dieu merci, le talent de Maja y "sévit" toujours.
Son site Web ici :
http://web.me.com/danielmaja/maja/Bienvenue.html
Rédigé par : Christophe Borhen | 12/04/2009 à 17:34
Un bel univers que celui de Maja!
Dessins griffus, pastels aux camaïeux raffinés, le saugrenu des personnages aux traits légers et difformes, des situations insolites, un pays volant, libre.
Rédigé par : Anne B | 13/04/2009 à 12:16
Customers Often Laugh at moncler - But Now I actually laugh at them
Rédigé par : トリーバーチ ケース | 09/11/2013 à 14:46