31 janvier
Quelques règles.
Il suffit de savoir dire "Je". "Ca ne s'apprend pas", a coutume de dire notre président. Mieux vaut être Barrack Obama ou Laurent Ruquier mais, aujourd'hui, ce n'est pas une obligation. Si vous n'êtes personne, ce sera plus moderne. Le genre réclame surtout de la sincérité: attention, le premier mouvement est souvent trompeur, et la dissimulation est d'instinct quand on est timide.
Vous pouvez mettre un faux-nez mais vous devrez impérativement l'ôter dans le chapitre final. Sinon, vous faites fausse route, vous avez écrit un roman. De toutes façons, il faudra vous désaccoutrer du barda familial et courir nu-tête dans les derniers mètres. Pour le reste, on a tous dans une armoire quelques souvenirs: un vieil ours en peluche, un pavé de la rue Gay-Lussac, une corde pour se pendre, etc. Souvenez-vous que l'enfance est la mère des secrets. L'erreur à éviter, c'est de se perdre de vue.
"Libère tous les lièvres de ta prime jeunesse, sois le léopard et la tortue", dit Lao-Tseu.
Parfois, vous douterez de votre entreprise, vous songerez à tous ces gens qui sont déjà morts et qui ne sauront jamais qui vous êtes. C'est dur, je sais. Sans compter les dilemmes, la sueur, les insomnies. Pas d'horaires réguliers, plus de camarades. Il faut jardiner son âme en solo. Quoi d'autre? Du talent, cela va de soi. Du panache, de la mélancolie, car ce siècle vous navre. Pensez à d'Artagnan qui se draperait dans la bure de Rancé, ça aide. Pensez-y seulement, vous n'êtes ni Chateaubriand ni Alexandre Dumas.
Les femmes? Si vous avez rencontré Eurydice ou Greta Garbo, c'est mieux pour le lecteur, vous n'écrivez pas pour le chat! Montrez-vous toujours vulnérable, secrètement obsédé par la perfection et tenté par la dernière extrémité. Ne cherchez pas à être à tout prix original, ça vous ferait ressembler à n'importe qui. Pensez aux voyages: l'éditeur préférera le Styx en gondole plutôt qu'un week-end au Crotoy, ils sont incorrigibles, c'est à vous de voir.
Pour les verbes, l'imparfait, ce temps cruel, n'est pas mal, vous verrez, il deviendra à l'usage la source inépuisable de mystérieuses tristesses.
Soyez scrupuleux dans vos émois, mais gare à l'élitisme! Défiez-vous de l'homme en général (ne faites pas trop long!) et de vous-même en particulier: là, prenez le temps. Soyez sorcier avec vous-même et un peu flic avec les autres!
Un pied dans l'au-delà, l'autre dans une pantoufle, au coin du feu. Choisissez: la pipe ou le chien, pas les deux. N'hésitez pas à renseigner le public sur votre pessimisme profond. Frissonnez un peu. Voilà.
C'est la meilleure façon de devenir quelqu'un en se prenant pour soi-même.
Eh bien... je ne vais pas dire que j'en perds mon latin ( c'est si loin !! ) mais aujourd'hui, je ne sais pas quoi dire
Rédigé par : Alistrid | 31/01/2009 à 07:02
LE SHOPPING DE SOPHIE
L'autobiographie des étoiles
Commence par l'autopsie
Des parfums et couleurs
Les souvenirs s'effondrent
Dans un joyeux tintamarre
Comme Ys ou Troie en leur temps
Prélude d'un chant
Qui conduit les chaloupes
Sur des tangos de rêves
De cheval à cavalier
De dauphin vers archer
Les dragons volent
Sur des chapitres à écrire
En-dehors de l'oubli
Rédigé par : gmc | 31/01/2009 à 08:20
Cette note n'est pas un commentaire, mais je ne connais pas votre adresse de messagerie et je n'ai donc que ce moyen pour vous adresser un message.
J'aurais aimé vous écrire suite à votre entretien avec Colombe Schneik sur France Inter, si possible en dehors des commentaires de vos posts. Pouvez-vous me donner une adresse où vous écrire? Merci.
Rédigé par : LIEUTAUD | 31/01/2009 à 08:28
Cette note n'est pas un commentaire, mais je ne connais pas votre adresse de messagerie et je n'ai donc que ce moyen pour vous adresser un message.
J'aurais aimé vous écrire suite à votre entretien avec Colombe Schneik sur France Inter, si possible en dehors des commentaires de vos posts. Pouvez-vous me donner une adresse où vous écrire? Merci.
Rédigé par : LIEUTAUD | 31/01/2009 à 08:29
Etre, se trouver là, exister, pour moi c'est cela l'autobiographie!
Ne pas céder au sentimentalisme,(maladie qui fait ravage dans l'autobiographie), arrêter avec les "je me souviens", d'en finir avec un passé où beaucoup puisent leurs arguments,évidemment facile à dire pour moi qui ne suis pas écrivain, mais l'exigence que je réclame vient des mots, des mots qui donnent vie à des émotions serrées.Je ne suis pas dupe!
L'écrivain dans les divers "moi" qu'il a été, s'éloigne du regard des autres, il se trouve réduit à lui même, la véritable expression de soi se fait dans la solitude.
(Ph. Sollers écrit au présent de l'indicatif, il "est").
Rédigé par : Anne B | 31/01/2009 à 08:33
Cher Frédéric Ferney, Votre aperçu sur l'autobiographie est un régal, je ne vois pas qui pourrait se sentir offensé tant l'humour est délicieux et pertinent (ce blog fait dissoudre les regrets de la disparition du Bateau Livres). Si j'avais encore des élèves auxquels enseigner l'autobiographie (programme 3° de Collège), ce texte ferait merveille pour la synthèse sur ce genre littéraire et serait suivi d'une double rédaction : 1) Rédiger un texte autobiographique parodique qui aurait tous les défauts mentionnés par F.Ferney (avec le droit de plagier les auteurs étudiés); 2) Rédiger un texte autobiographique qui éviterait ces défauts...
Rédigé par : Critiquator | 31/01/2009 à 08:33
Merci pour la recette de cuisine ! lol
Rédigé par : Odile | 31/01/2009 à 08:37
Je n'aime pas le genre autobiographique en général mais votre recette est un régal, à table !
Rédigé par : Loïs de Murphy | 31/01/2009 à 08:50
Ca y est ! Je comprends pourquoi (enfin) je n'écrirai ni d'autobiographie ni journal intime.
Sinon, je vous ai également écouté dans J'ai mes sources - et je crois que le succès de XXI ou de ce blog c'est juste cela : faire ce que l'on aime, penser qu'il y a un public pour cela (c'est à dire des personnes qui sont également sur la même longueur d'onde - généralement, des adultes cultivés), et surtout : ne pas avoir pour objectif de faire de l'argent, si ce n'est vivre décemment. Suis aussi (comme beaucoup de bloggeur) disponible pour participer, même si je doute que vous en ayez besoin.
Rédigé par : Michel | 31/01/2009 à 08:56
"Mieux vaut être Barrack Obama ou Laurent Ruquier mais, aujourd'hui, ce n'est pas une obligation. Si vous n'êtes personne, ce sera plus moderne."
Moi chuis pas personne, chuis la muse de FF (voir mon commentaire d'hier) et en plus mon psychiatre est dans le who's who, alors...
Rédigé par : ororea | 31/01/2009 à 10:41
Meveilleux billet dont la dérision formule avec brio à la fois une critique et un éloge de l'autobiographie tout en parvenant à révéler les enjeux et les failles propres à ce genre. Mais il me semble indispensable de ne pas confondre autobiographie au statut et à l'ambition véritablement littéraires, dont l'écriture est le ressort majeur, je dirais même la problématique profonde, et pseudo-autobiographie raccoleuse (très en vogue, il faut en convenir et sans doute le déplorer). La première est fondée sur la pudeur et la sincérité, elle est une quête de sens et sa singularité réussit à atteindre l'universel alors que la seconde n'est qu'un produit commercial centré sur un moi surdimensionné et sur une démarche im-proprement exhibitionniste. Mais d'ailleurs, toute écriture n'est-elle pas forcément, par mimétisme ou rejet, consciemment ou inconsciemment, à des dégré divers, de nature autobiographique ? N'écrit-on pas ce qu'on écrit parce qu'on a vécu ce qu'on a vécu, ou parce qu'on n'a pas vécu ce qu'on aurait dû, voulu ou pu vivre ? Et la fiction n'est-elle pas une autobiographie masquée, qui cherche à brouiller les cartes (pour l'auteur et/ou le lecteur), mais qui en dit souvent plus que des dizaines de journaux intimes ou de correspondances privées ? A moins qu'il ne faille passer par l'un pour atteindre l'autre, pour en accepter l'idée... De la fiction à l'autobiographie par exemple. La démarche adoptée par Michèle Desbordes est à cet égard révélatrice. N'a-telle pas commencé par publier un pur récit de fiction "La Demande" pour passer ensuite par la biofiction avec le magnifique livre "La Robe bleue" (qui rêve la vie intérieure de Camille Claudel internée à Mondevergues) ou encore "Un Ete de Glycine" (qui évoque Flaukner à travers la perception et les souvenirs de celle qui en révèle l'univers littéraire... se dire à travers l'autre en quelque sorte) pour en arriver enfin à écrire deux textes proprement autobiographiques avec "L'Emprise" (rédigée à la troisième personne qui met encore à distance) et "Les Petites terres" (rédigées à la première personne et en fin de vie par une femme qui se savait condamnée par la maladie) ?
Rédigé par : Franck Bellucci | 31/01/2009 à 10:49
Meveilleux billet dont la dérision formule avec brio à la fois une critique et un éloge de l'autobiographie tout en parvenant à révéler les enjeux et les failles propres à ce genre. Mais il me semble indispensable de ne pas confondre autobiographie au statut et à l'ambition véritablement littéraires, dont l'écriture est le ressort majeur, je dirais même la problématique profonde, et pseudo-autobiographie raccoleuse (très en vogue, il faut en convenir et sans doute le déplorer). La première est fondée sur la pudeur et la sincérité, elle est une quête de sens et sa singularité réussit à atteindre l'universel alors que la seconde n'est qu'un produit commercial centré sur un moi surdimensionné et sur une démarche im-proprement exhibitionniste. Mais d'ailleurs, toute écriture n'est-elle pas forcément, par mimétisme ou rejet, consciemment ou inconsciemment, à des dégré divers, de nature autobiographique ? N'écrit-on pas ce qu'on écrit parce qu'on a vécu ce qu'on a vécu, ou parce qu'on n'a pas vécu ce qu'on aurait dû, voulu ou pu vivre ? Et la fiction n'est-elle pas une autobiographie masquée, qui cherche à brouiller les cartes (pour l'auteur et/ou le lecteur), mais qui en dit souvent plus que des dizaines de journaux intimes ou de correspondances privées ? A moins qu'il ne faille passer par l'un pour atteindre l'autre, pour en accepter l'idée... De la fiction à l'autobiographie par exemple. La démarche adoptée par Michèle Desbordes est à cet égard révélatrice. N'a-telle pas commencé par publier un pur récit de fiction "La Demande" pour passer ensuite par la biofiction avec le magnifique livre "La Robe bleue" (qui rêve la vie intérieure de Camille Claudel internée à Mondevergues) ou encore "Un Ete de Glycine" (qui évoque Flaukner à travers la perception et les souvenirs de celle qui en révèle l'univers littéraire... se dire à travers l'autre en quelque sorte) pour en arriver enfin à écrire deux textes proprement autobiographiques avec "L'Emprise" (rédigée à la troisième personne qui met encore à distance) et "Les Petites terres" (rédigées à la première personne et en fin de vie par une femme qui se savait condamnée par la maladie) ?
Rédigé par : Franck Bellucci | 31/01/2009 à 10:50
Très drôle.
oui c'est tout à fait cela une autobiographie.
Rédigé par : la glu | 31/01/2009 à 12:48
L'imparfait, l'imparfait, le temps de la réalité, dit Angot, j'aime pourtant le temps de l'inconscient, le présent, le temps de tous les temps, passé, présent, futur, parce que l'inconscient n'a pas d'histoire, cher à Duras. Ce temps de la butée, jamais sortir de cet enfer de soi.
Merci pour ce beau texte, une réflexion en cours, Frédéric Ferney ?
http://anthropia.blogg.org
Rédigé par : Anthropia | 31/01/2009 à 14:38
"Ca ne s'apprend pas" Hum... un C majuscule sans sa cédille ? Ça ne vous ressemble pas, cher FF. A chacun son truc, vous les petits trucs pour "réussir" une autobiographie, moi une minuscule astuce pour taper un C majuscule avec sa cédille.
Appuyer simultanément sur Alt et 128 ----> Ç
Non non, c'est moi qui vous remercie !
;-)
Rédigé par : Jean-Louis B. | 01/02/2009 à 08:55
Je reviens par ici, beaucoup plus sérieusement cette fois. Tellement sérieusement que je crains de plomber l'ambiance tout en frôlant le hors-sujet.
Bon. J'y vais. Dans "autobiographie" il y a "biographie". Lorsque qu'un anonyme est dans l'incapacité d'écrire sa propre bio, que faire ? J'ai vu un reportage bouleversant, vendredi sur france 5, dans le Magazine de la santé.Il s'agit du travail de Valeria Milewski, biographe, qui fait oeuvre d'écrivain public, en quelque sorte, auprès de malades, la plupart du temps en fin de vie. La démarche consiste à recueillir longuement la biographie orale de la personne puis de l'écrire, à sa place.
Le reportage est là :
http://www.france5.fr/magazinesante/video.cfm?file=http://www.france5.fr/images/emissions/009588/100/magsante_20090130.asx
Il n'y a pas de chrono pour aller directement vers la fin de l'émission. Se repérer à l'horloge (en haut à gauche, près du 5), et placer le curseur sur 14.18
Rédigé par : Jean-Louis B. | 01/02/2009 à 09:26
"Ognuno sta solo sull' cuore della terra, ed é subito sera" : c'est une mini autobiographie qui va à tout le monde, comme un gant magique.
De qui est-ce? Je ne sais plus! Il manque des morceaux, les mots sont écorchés? C'est possible, la mémoire est peu fiable Mais je la remercie quand même de remonter ainsi des mots, des images, des sensations par association d'idées.
Notre mémoire ressasse sans cesse notre passé, le revisite, le ré-écrit, ad libitum. En figeant ce travail dans une autobiographie, le personnage-auteur a-t-il l'illusion d'arrêter de s'épuiser en vain, en figeant définitivement un état des lieux? Ou bien le malentendu qu'il ressent entre lui et les autres est un gouffre, et il a envie de dire "regardez comme je me vois, c'est à 100 lieux de ce que vous imaginez"?
N'empêche ce sont des écrits qui nous intéressent, où l'on s'attend à dénicher des vérités. Tout comme les correspondances. Et les libraires sont bêtes qui ne font pas un rayon spécial. Heureusement dans les bibliothèques, le tri est fait et la quête de ces écrits est plus simple.
(Ou "alt et la touche ç", sur un mac, pour la cédille)
Rédigé par : mme petit poisson | 01/02/2009 à 09:53
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