25 janvier
LU: "Des Vents contraires" d'Olivier ADAM (Editions de l'Olivier).
La 4e de couverture annonce: "un livre lumineux aux paysages balayés par les vents océaniques". Sur le rabat de la jaquette, une photo d'identité: Olivier Adam arbore une belle tête de marin têtu et mélancolique, avec je ne sais quoi de râblé, de rêche, façon talonneur occitan, qui semble confirmer cette promesse. Une caboche. Au rugby, il jouerait plutôt devant avec les plus silencieux, les plus âpres. Avec cela, toujours l'air un peu fâché.
J'ouvre le livre, l'exergue, c'est une chanson de Philippe Djian écrite pour Stephan Eicher: "On ne refait pas sa vie / On continue seulement / On dort moins bien la nuit / On écoute patiemment / De la maison les bruits / Du dehors / L'effondrement". Je ne sais pas si vous connaissez cette chanson, moi non, mais Djian, j'aime cet auteur, et je vous dirai pourquoi (le temps de finir son dernier livre, "Impardonnables", une sorte de pastiche insolent et blagueur écrit dans l'allure d'un téléroman).
Première page, troisième phrase d'Adam: "J'ai rejoint Manon dans le fond de la pièce, au beau milieu des étals de légumes en plastique elle serrait Hannah contre son coeur, elles s'accrochaient l'une à l'autre, inquiètes de se perdre". Légumes, plastique, coeur, perdition, et ce n'est que le début de cette histoire. On entre dans certains livres comme dans un rêve. Là, non: on se cogne, ça fait mal d'emblée. Paul, le narrateur, est un père qui tente d'élever seul ses deux enfants, Clément et Manon. On ne sait pas si la mère est partie il y a un an ou si elle est morte, on ne le saura qu'à la fin. Rien de joyeux, je vous promets.
Paul s'occupe des petits comme il peut: le plus souvent, il craque, il a la flemme de leur donner le bain, ils s'endorment tête-bêche sur le canapé. (C'est l'image qui figure sur la jaquette parce que ça résume trop bien, deux anges aux poings fermés sur le carrelage, un sapin de Noël, un tambour). Sans eux, sa vie serait un désastre. Avec eux, il ne va guère mieux. Et ce n'est pas son boulot qui va le sauver: Paul travaille comme moniteur d'auto-école. En plus, il n'a même pas sa licence, ce con. Il piccole le soir. Une certaine idée de la famille, de la Bretagne (Saint-Malo), de l'océan sans les étonnants voyageurs: "... arracher les enfants et moi à cette douleur poisseuse qui nous clouait au sol depuis des mois, à la fin la maison, les traces et les souvenirs qu'elle gardait de nous quatre, c'était devenu invivable, je ne sortais presque plus et les enfants se fanaient sous mes yeux". Fuir mais où? On n'habite que le pays que l'on quitte.
Trop moche, trop dur, trop vrai? On savait d'emblée qu'on allait souffrir. Très vite, cette impression se confirme: des nuits sans sommeil, des jours sans joie, des enfants pâlots et paumés, c'est d'un triste! Il y a je ne sais quoi de hargneux dans le quotidien qu'Olivier Adam réfracte avec ardeur. Eluder la douleur, pas son genre. Olivier Adam, c'est un peu Zola en plus moderne. Mais qui oserait dire, l'ayant vraiment lu, que Zola est un mauvais écrivain? Car un bon écrivain, finalement, c'est quelqu'un qui vous impose ses obsessions et vous emmène là où vous n'avez pas envie d'aller.
C'est ce qu'il fait. Mais justement, comment fait-il, Olivier Adam, pour puiser, oui, une forme de poésie, dans la déprime et dans l'abandon, avec ce style parlé mais convenu, prémédité, pas du tout négligé, pas du tout désinvolte? Je ne sais pas. Je m'incline, je me tais. C'est un peu comme certains fruits qu'on peut goûter en Afrique ou en Asie: on mord, on ne sait pas tout de suite si on fait: "mmh!" ou si on recrache. Est-ce que c'est bon?
Qu'on soit à l'hôpital, à l'école, sur la plage ou sur l'autoroute, on flotte, on erre, on vacille, comme si on avait avalé trois valiums et un grand verre de whisky. On s'enfonce. On peut aussi avoir envie de vomir. Olivier Adam nous tend un miroir qu'on voudrait cacher, il se frotte désespérément aux vilaines choses comme à une chimère; il pratique un lyrisme infirme, actuel, sociétal. N'est-ce pas une sorte de maniérisme à rebours, quelque chose comme de l'art pompier transcendé en arte povero ? Du métier, c'est sûr. Je comprends qu'on soit ému à le lire: il fait tout pour ça. La différence avec Djian, c'est que Djian n'est jamais sentimental, et qu'il ne manque pas d'humour.
Personnellement, je ne suis pas cliente et n'y crois pas une seconde.
De Djian je n'ai rien lu ... mais j'avais été bouleversé par le film de Beneix 37°2 le matin, qui - si je ne me trompe pas - est adapté d'un de ses livres. J'avais treize ans. Je l'ai maté en cachette quand glissant innocemment la cassette vidéo je suis tombée sur la première scène bleue explicite ... et j'ai encore l'air d'orgue de Barbarie qui émaille le film à l'oreille.
*
Décidemment, "sentimental" semble revêtir plusieurs acceptions d'une note à l'autre !
Rédigé par : ardente patience | 25/01/2009 à 00:37
"Par moments, je regrette de n'avoir pas écrit des obscénités ; il me semble que je serais heureux de recevoir une bourrade méritée, au milieu de cette grêle de coups qui tombent bêtement sur ma tête, comme des tuiles, sans que je sache pourquoi".
Émile Zola, préface à la deuxième édition de "Thérèse Raquin", 15 avril 1868.
Je relisais "Thérèse Raquin" il y a peu. D'abord je l'avais lu à la fin du collège, et je me rappelais seulement le meurtre, la blessure au cou, la perdition de Thérèse. Et tout à coup le roman m'a paru plus gothique, plus angoissé, plus onirique, plus "Mystères d'Udolphe" que "dissection de bête humaine". Beaucoup plus adamique qu'adamien, en quelque sorte. Le retour éternel et fantasmatique de la Très Grande Faute.
Dans "Thérèse Raquin" au moins, et il faudrait que j'en lise et relise d'autres pour voir, la récurrence un peu folle de l'adjectif "roide", qu'on n'utilise plus beaucoup et que Zola met à toutes les pages, comme une ritournelle, comme un cri de mendiante la nuit à Calcutta, comme un tic absolu, et maintenant je sais pourquoi on n'utilise plus "roide" : Zola a épuisé tout le stock.
Rédigé par : julien de kerviler | 25/01/2009 à 05:44
Olivier Adam me déprime d'avance (Je vois assez de misère au quotidien)... "Ses livres s'approchent de moi en faits divers; C'est sans espoir, je prends la fuite". Par ailleurs, il est beau Olivier Adam. Glacial, mais beau, oui.
clin d'oeil
( Je vais bien, ne t'en fais pas
http://fr.youtube.com/watch?v=2ALslEVwozY
)
Quant à Ph. Djian, ENFIN, j'ai de nouveau envie de le lire. Son dernier me tente aussi.
Rédigé par : Alistrid | 25/01/2009 à 06:20
Oh en lisant les commentaires, je m'aperçois que j'avais complètement oublié Zola. Ce serait bien la première fois que j'aurais eu à me demander si Zola est un bon écrivain qui est parmi les écrivains qui m'aura immédiatement marquée. D'abord, "le rêve", puis "l'assommoir". Par chance, j'ai lu "Thérèse Raquin" aussi, sordide et je ne sais pourquoi qui me rappelle "un mauvais rêve" de Bernanos. L'ennui, c'est que je l'ai lu dans mon adolescence, donc c'est un peu comme si je ne l'avais pas encore lu ; je n'étais qu'absorbée, sans la moindre idée de grilles de lectures à poser en calque sur ces lignes, ni même l'ombre d'une interrogation sur le style. Mais, je me souviens de certaines scènes comme si je les avais vécues. A quoi s'ajoute l'époustouflante interprétation de Maria Schell en Gervaise, François Périer à ses côtés. Relire un livre, quel luxe et combien de temps faut-il pour choisir lesquels ? Et à quel moment quand on veut encore découvrir ? (cependant, il n'est jamais trop tard pour apprendre à lire). Zola il m'a faite pleurer sur le sort d'autrui, comme si je vivais dans leur ombre. Ca me suffit pour le décréter grand écrivain. Virginia Woolf aussi m'a faite pleurer dans les dernières lignes de sa traversée des apparences, rien qu'en criant un prénom. Il y a d'autres raisons pour savoir si on lit un grand auteur, elles ne sont pas toutes littéraires ! Ou bien elles le sont sans qu'on le sache.
Peut-on écrire de grands livres en prenant la posture ? Avec une voix ... mécanique ? C'est une machination cela, loin d'une réelle et authentique fabrication (qui ferait frémir et vibrer)(parfois, qui enivre).
C'est émouvant qu'il (Zola) déplore avec ironie n'avoir pas cédé au rock'n roll. Alors que ses personnages sont déjantés.
Rédigé par : ardente patience | 25/01/2009 à 07:23
je file trouver la définition de "sentimental", qui donne l'impression d'être indispensable pour parler de littérature! (juste une petite moquerie!)
(en bonne admiratrice (de vous et lui), je suis heureuse de vous savoir amateur de Philippe Djian!)
Rédigé par : zelapin | 25/01/2009 à 09:18
J'ai acheté le dernier livre d'Olivier Adam la semaine dernière, dès sa parution (j'ai en effet lu tous ses précédents, romans et nouvelles), et le volume est en attente sur ma table de chevet. Il attend que je me décide enfin à le saisir, à l'ouvrir, à le découvrir. Mais je sais que la lecture d'un roman d'Adam ne laisse pas indemne, qu'elle dérange, qu'elle blesse, qu'elle nous renvoie de nous et de notre société une image crue et insupportable, et pourtant si douloureusement vraie. Les livres d'Adam déclinent des thèmes qui me sont chers, qui me touchent et me parlent : l'absence, le rapport à l'autre, la folie toujours menaçante, l'errance du corps et de l'âme, la question de l'identité, la tentation de la mort. Je me doute qu'une fois encore je vais être bouleversé par ce texte, alors j'attends un peu avant d'entreprendre cette lecture en apnée. Avant de pénétrer la noirceur du monde et de l'âme.
Rédigé par : Franck Bellucci | 25/01/2009 à 11:59
Terrifiante cette rentrée littéraire!
Olivier Adam, sa spécialité : la souffrance humaine, c'est le petit frère de Philippe Djian, l'auteur culte des malaises d'une génération,son univers romanesque est peuplé de personnages qui souffrent sans pouvoir s'exprimer, on est dans la poisse, la crasse, moi je cherche toujours les issues de secours...(A l'aide...).
De Djian j'ai lu "Sotos", "Assassins", "Criminels""Impuretés", commencé Doggi Bag que je n'achèverai jamais. De Olivier Adam,"Je vais bien ne t'en fais pas", "Falaises", "A l'ouest", "a l'abri de rien"et puis terminé, rideau.
P.S : Avec Dantzig, et Tristan Savin,je me régale ( Dantzig m'avait déjà ravie avec son "dictionnaire égoiste..").
Rédigé par : Anne B | 25/01/2009 à 12:44
Diantre ! On dirait que c'est un crime que de ne pas afficher une drôlerie permanente, un cynisme dit salutaire, bref que c'est être politiquement incorrect que de revendiquer le droit d'avoir un regard sombre et grave sur l'humaine condition ! Fait-on vraiment de grands livres avec de bons sentiments ? Moi j'avoue que cette habitude de rire de tout, d'appliquer l'insolence et l'ironie à tout et n'importe quoi - démarche d'ailleurs propres aux médias actuels... rions mes amis, rions, même si rien dans la société actuelle ne nous y invite, rions quand même...- m'agace de plus en plus en m'attriste. Oh ! Pardon ! Décidemment, je dois vraiment être un triste sire ! Me faut-il consulter ?
Rédigé par : Franck Bellucci | 25/01/2009 à 13:10
Lyrisme sociétal me semble un bon concept pour parler du style d'Adam, ce qui frappe c'est que finalement peu d'écrivains français écrivent sur la France, ceux qui tentent de le faire écrivent plutôt sur des "figures" de la société française, on ne trouve pas le souffle qui brosserait la fresque historico-critique, peut-être parce que la France est trop petite et qu'il faut échapper au provincialisme d'un espace de 1000 kms par 1000 kms. Finalement, nous sommes à l'échelle de la cour, du bonapartisme, et dans le monde d'aujourd'hui, c'est ridicule.
http://anthropia.blogg.org
Rédigé par : Anthropia | 25/01/2009 à 13:18
Franck,
Avez-vous lu beaucoup de livres qui affichaient une drôlerie permanente ? (je parle de littérature), moi pas. Vous allez me dire que je suis hors sujet, mais je pense là, tout de suite à Thomas Bernhard, un homme dont la vie a été marquée par de grandes précarités, corporelle, affective, financière,et qui a su grâce à son style, son sens de la musique des mots, la profondeur de ses réflexions sur le mal être,sa complaisance de la morbidité parfois la plus radicale, cet écrivain là me bouleverse, sa prose endiablée me transporte.Et pour reprendre la phrase de Frédéric Ferney : "Un bon écrivain finalement, c'est quelqu'un qui vous impose ses obsessions et vous emmène là où vous n'avez pas envie d'aller",oui pour moi Thomas Berhnard c'est cela, ce que je ne ressens ni avec Djian, ni avec Adam.
Rédigé par : Anne B | 25/01/2009 à 14:55
Je ne privilégie pas vraiment ces livres "un peu durs" mais je les lis, peut-être aussi parce que je lis tout ce qui me tombe sous la main
Bon dimanche
Viviane
Rédigé par : Viviane | 25/01/2009 à 15:46
Anne,
Tout comme vous je ne ressens rien si ce n'est de l'agacement à la lecture des textes de Djian qui me semble céder à la mode, tant par les personnages qu'il imagine, par les situations qu'il met en scène que par l'écriture qu'il utilise. Tout comme vous, j'ai aussi souvent été bouleversé par Thomas Bernard même si je trouve parfois sa désespérance un peu trop radicale. Parfois je me demande même s'il ne sombre pas dans la posture... Mais pour ce qui est d'Olivier Adam, je trouve qu'il a le mérite de porter un vrai regard sur le monde, sur les gens, un regard lucide et plein d'empathie, un regard sensible, réceptif aux petites choses, aux petits gestes qui trahissent la souffrance. En revanche, je vous accorde qu'il cède parfois à une écriture un peu "facile", j'entends par là à un style qui sous prétexte de réalisme peut s'appauvrir ou deenir "plat". Mon second message était juste l'expression d'une humeur car ce rejet (chez certains systématique) de tout ce qui peut sembler sombre, grave, pessimiste, dérangeant, m'agace dans la mesure où j'y vois le symptôme inquiétant d'une société qui se noie dans le divertissement (au sens pascalien) et dans la fuite. L'art en général et la littérature en particulier me paraissent trouver leur sens dans cette capacité à montrer, à disséquer ce que nous ne voulons pas voir. Et puis ce que j'attends avant tout d'un livre, c'est qu'il me touche, m'émeuve, ce qu'Adam réussit...
Rédigé par : Franck Bellucci | 25/01/2009 à 15:53
"Un bon écrivain finalement, c'est quelqu'un qui vous impose ses obsessions et vous emmène là où vous n'avez pas envie d'aller"
Moi qui ne lit pas en "professionnelle", je dirais plutôt quelqu'un qui m'emmène là où je voulais aller sans que je le sache avant. Car rien ne se passe malgré moi, contre mon gré, dans la lecture.
On a parfois envie de se complaire un peu dans le désespérant de la vie en lisant un livre, car quand va-t-on le partager? À part dans un livre? Politesse, dignité, stratégie pour s'en sortir, impression que c'est vain, plein de raisons d'éviter de gonfler notre entourage. Reprocher à Olivier Adam de nous plonger dans ce qu'on fuit en général, c'est laisser peu d'espoir au désespoir.
En ce moment je n'ai pas envie de lire ça, mais il faut qu'il se trouve des romanciers pour ré-équilibrer les représentations que se feront de notre époque, de notre société les gens de plus tard ou d'ailleurs!
Rédigé par : mme petit poisson | 25/01/2009 à 16:41
LE SENS DU METACARPE
Une bonne professionnelle
De la lecture ou d'ailleurs
Sauve toujours son tapin
D'un regard malicieux
A l'inconnu qui la déshabille
Sans omettre de la caresser
Pas utile de se passer d'humour
Quand les préliminaires
Sont aussi voluptueux
Que l'allumage intégral
Et le nu permanent
Sous le regard étincelant
Qui rend le cuir velouté
Une langue humide
Au bout d'une pointe sèche
Tel un frisson ardent
Qui monte des collines
Et longe d'anciennes courbes
D'un souffle émerveillant
Comme une ondulation princière
Rédigé par : gmc | 25/01/2009 à 17:56
Je poursuis mon enquête sur le "sentimentalisme". On raille souvent les bons sentiments ... mais je ne comprends pas pourquoi on les désigne comme bons en opposition aux mauvais. Il y a des sentiments, point. Que l'on peut évoquer de manière lyrique par exemple, ou d'un trait vif et incendiaire comme chez Flaubert, et tout et tout.
Or, justement, Olivier Adam me semble incarner justement ce qu'on sous-entend par "bons sentiments", vouloir à tous prix faire pleurer dans les chaumières depuis que Dieu est mort ; on dirait des clichés publicitaires ses protagonistes, on peut s'en rendre compte en quelques lignes au hasard. Il y a une telle posture : je suis sérieux, je fuis les monanités moi, je plonge mes mains dans la boue du quotidien, mais le livre tombe des mains et on se demande pourquoi. Il n'y a pas de souffle, qu'une simple mécanique. Et on peut difficilement parler de création, c'est une anémique copie du monde, ça ne prend pas vie, c'est dés lors, prétentieux. (De ce point de vue-là, les interviews sont souvent révélatrices de la profondeur d'une démarche créatrice)
L'humour est notable du fait qu'il est rare. Je pense au grave Beckett qui me fait glousser d'un bout à l'autre des états d'âme de Watt. J'en cherche d'autres ... sans remonter à Rabelais ... mais ... je n'ai pas tant lu. (André Frédéric ? Joyce Mansour ? Queneau ! Michaux ! Norge ! Je ne vois que des poètes), oh et Vian !
Les dits "bons sentiments" on les trouve pourtant dans toute la littérature, or, qu'est-ce qu'on entendrait par là ? Un portrait fidèle, ou bien un héros sauvé in extremis de la déchéance ? Est-ce que cela voudrait dire que l'on occulte la part désespérée, sans salut, de la vie, et qu'il ne se peut y avoir de grande littérature sans noirceur totale ? Qu'on ne peut écrire que dans le sang et la boue ? Et si j'en crois la comparaison faite entre Djian et Adam, celui qui pose un regard de mère sur ses personnages est perdu d'avance, en quelques sortes il ment, plutôt que celui qui observe froidement ? Djian n'est pas sentimental car il n'interviendrait pas dans les vies de ses personnages ? Il ne cherche pas à susciter l'empathie ?
Est-ce mal l'empathie ? la compassion ? C'est si rare, quoi qu'il en soit.
Je pense à ce claudicant "demi siècle de pauvreté", dans Madame Bovary, à qui on remet cinquante francs, je crois ; il y a beaucoup d'empathie dans cette impitoyable description.
Est-ce Flaubert qui a définitivement cantonné les sentiments au bovarysme ? (que je n'ai jamais perçu comme juste qu'une simple bonne femme qui s'ennuit, pour ma part, c'est plus nuancé que cela)
Le sentimentalisme serait l'absence de style peut-être, une thèse qu'on a à défendre sans se brûler au feu défendu.
Bref, je m'y perds. Les sentiments c'est ce qui touche ? Qui attendrit ou endurcit ? Ce qui fait s'identifier à tel ou tel protagoniste ? C'est vouloir dire que le monde est beau malgré qu'il soit laid, voire invivable ? Ce serat dire que l'humanité n'est pas humaine, comme un couperet tombe ? Il faudrait alors jeter de grands poètes au passage.
Rédigé par : ardente patience | 25/01/2009 à 18:17
Finalement, je vais le lire ce livre.
J'en ai envie tout à coup.
( Au diable l'avarice !)
Rédigé par : Alistrid | 25/01/2009 à 18:32
les bons sentiments, c'est comme les bonnes intentions, un excellent revêtement de sol.
Rédigé par : gmc | 25/01/2009 à 18:44
ou plutôt un papier peint mural
Rédigé par : gmc | 25/01/2009 à 18:53
Oh, je comprends, lente que je suis : "L'enfer est pavé de bonnes intentions" ... ça ne veut pour autant pas dire que les mauvais sentiments expriment des choses vraies, n'en déplaise à Gide ! On a tellement raillé Hugo qui en a enterré beaucoup depuis et Baudelaire a su lui rendre les hommages. Ces sentiments, pour ne parler que de lui, il les a vécus "de jour en jour, d'oeuvre en oeuvre". C'est ce qui manque à Olivier Adam, l'unité.
*
"L'enfer est pavé de bonnes intentions" est, cependant, traître comme expression. La bonne volonté il suffirait d'en avoir pour ajouter au chaos du monde ? De mon point de vue, mieux vaut une bonne volonté qu'une mauvaise. Ce qui suppose, bien sûr, un travail, un effort sur soi, loin des fantasmes.
Rédigé par : ardente patience | 25/01/2009 à 18:56
"l'enfer est pavé de bonnes intentions" est tout à fait claire comme expression, totalement objective, d'autant plus claire qu'elle n'exclut pas d'autres types d'intentions dans sa formulation.
quant à savoir ce qu'est un sentiment, on entre dans le domaine de la vaste rigolade dès que l'on pose des questions à ce sujet...
Rédigé par : gmc | 25/01/2009 à 19:30
Ca ne me dérange pas qu'on puisse me trouver ridicule, gmc, surtout quand on argumente comme vous faites. Pour ma part, je questionnais cette expression et non pas l'ego qui l'émettait.
Rédigé par : ardente patience | 25/01/2009 à 20:48
"La raison parle et le sentiment mord".
Pétrarque
Rédigé par : Anne B | 25/01/2009 à 21:02
personne ne vous trouve ridicule, ardente, juste vous l'avez pensé.
Rédigé par : gmc | 25/01/2009 à 21:10
Vous n'êtes absolument pas ridicule Ardente Patience !
Rédigé par : Anne B | 25/01/2009 à 21:11
et d'ailleurs pour revenir à la formule "l'enfer est pavé de bonnes intentions", elle m'évoque celle de Tertullien : "le diable est le singe de Dieu". L'enfer serait, en d'autres termes, pavé d'intentions qui se prétendent ou même se croient bonnes. Partir de cela pour prétendre dévaluer la bonne volonté ce serait comme, pour en revenir à la formule de Tertullien, bastonner Dieu sous prétexte que le Diable a emprunté son apparence.
Ce qui fait la séduction de l'expression "l'enfer etc", c'est qu'elle est paradoxale. De ce point de vue ce paradoxe l'oriente et lui faire perdre en objectivité.
Par ailleurs, il est vrai que le mot sentiment comme d'ailleurs beaucoup d'autres mots peuvent être source d'ambiguïté mais puisqu'il s'avère que l'auteur de ce blog l'emploie souvent, il ne me semble pas inapprorié d'approfondir le sens qu'il peut y mettre. A mon humble niveau, si je puis me permettre sans vous déranger.
Rédigé par : ardente patience | 25/01/2009 à 21:20