1er janvier
Ca y est, nous sommes en 2009 ! Cette année, Paul Nizon va avoir quatre-vingts ans. Je pourrais vous dire : c’est le meilleur auteur suisse de langue allemande. Mais qu’est-ce que j’en sais ?... Je l’aime et je l’admire, c’est tout.
Né à Berne en 1929, Nizon vit à Paris – si près, si loin.
Comment le définir ?
Par ses livres (1) qui, au fond, n’en font qu’un : rêveries exactes d’un marcheur solitaire qui préférerait le bitume à l’herbe tendre, les trottoirs des vieilles capitales à l’haleine des prés.
Par son ascèse à la fois joyeuse et austère, à la Sam Beckett.
Par sa haute exigence, sa quête d’une existence qui soit absolument littéraire et ancrée dans l’écriture de soi.
Nizon est un peu grec, vertical, solaire, nietzschéen sans le casque et l’armure d’un imprécateur tragique.
Ni reclus ni puritain, c’est d’abord un observateur : de femmes, d’enfants, de putains, d’amis, d’artistes, de livres, de gens de la rue, de lui-même, sans discrimination. Un peu somnambule mais vivant.
Un Ulysse piéton.
Qu’est-ce que cela signifie : prendre pied dans le monde et le réinventer en partant de soi ? Et en quoi Paul Nizon se distingue-t-il absolument des auteurs qu’on range aujourd’hui, en France, dans la catégorie encombrée de l’autofiction ?
Il suffit de le lire pour comprendre : pas de déballez-moi-ça, jamais ; aucun narcissisme, aucune impudeur, tout ce qui (lui) arrive est intériorisé. Sa joie même est une faculté intérieure. Le sujet, son « Je », est indéfinissable, composite, à la fois intime et objectif. Vraiment ? Oui.
Il ne cherche pas non plus à être moderne : protester, revendiquer, séduire, ce n’est pas son souci ; il semble seulement lutter pour acquérir les moyens de son art.
C’est un lapidaire – il a l’orgueil et l’humilité d’un artisan qui aiguise, frotte, polit inlassablement ses syllabes jusqu’à ce qu’elles vibrent avec l’intensité requise.
En ce sens, le seul « roman » qu’il pourra jamais écrire sera toujours un « journal d’atelier ».
Ses admirations – Van Gogh, le Suisse errant Robert Walser, auxquels il a consacré des essais encore intraduits en français – disent son chemin.
Ecrire (peindre avec des mots) parce que c’est le seul accès possible à la « vie ».
Ecrire pour savoir ce que vaut l’homme qu’on est.
« La vie se conquiert, ou elle se perd », écrit-il en exergue au « Livret de l’amour ». (Je ne sais pourquoi le mot allemand, « das Leben », m’a toujours semblé peser plus lourd).
Et plus loin, il s’interroge : « Mais où est la vie ? N’est-elle pas aussi dans le travail, c’est à dire la non-vie, la création à domicile, dans la prison de ma chambre ? Car tout est vie, même l’extase créatrice d’un Van Gogh, qui le privait d’une vie normale ».
Oui, l’art relève autant de la vie que tout le reste : avoir une famille, des enfants, des dettes. D’ailleurs, plus que l’art, la culture ou la littérature, ce qui compte, c’est vivre. Le reste ne mérite pas un livre. Pour Nizon, écrire, vivre – « le métier de vivre », dit Pavese -, au jour le jour, c’est tout un, et ce n’est qu’une question de temps .
Ce qui importe, c’est d’être éveillé, aux aguets, et de relever ce qui tombe (dans l’oubli), ce qui est inaperçu, les choses les plus infimes, les gens les plus ordinaires.
Ce qui est passé est perdu.
C’est un guetteur, Nizon, un chasseur ; et il veut des proies vivantes, ici et maintenant, il se compare à un « épervier ».
D’abord apprendre à tout regarder, à tout dévorer des yeux, comme un sauvage.
Ne pas se construire : un destin, une théorie, une opinion.
Etre neuf dans un monde vieux.
Sortir de sa « cave ».
C’est ça qu’il veut.
Nizon admire : Rome, Paris, Barcelone. La Ville – il écrit souvent le mot au singulier et avec une majuscule, comme Saint-John-Perse – c’est ce qui rend possible : la solitude « … jusqu’à avoir une idée de forme qui rende possible la fiction ». Sans cette clef, ce sésame, il est vain de vouloir écrire.
Mais la beauté d’une ville, l’histoire, le patrimoine, la croûte dorée des siècles, tout cela n’est qu’une illusion : « Tout ça, c’est du passé, et l’Europe, pour l’essentiel, n’est plus que souvenir ». Subsiste alors un charme qui s’écrit dans l’allure d’un adieu sec - sans cérémonie, sans larmes, sans nostalgie.
Un jour, son éditeur en Allemagne, Suhrkamp – le Gallimard allemand – lui a proposé de publier ses Œuvres Complètes avec des notes critiques. Il a dit : non. Il préfère que ses livres soient accessibles en édition de poche et bon marché.
Bonne année à tous !
(1) Les éditions Actes-Sud ont publié « Le Livret de l’Amour. Journal, 1973-1979 », traduit de l’allemand par Diane Meur ; Jacqueline Chambon a réédité « Canto », paru en 1963 en Allemagne et en 1991 en France, traduit par Georges Pauline. Lisez ça, c’est mortel !
LES MAREES PIETONNES
Les passants marchent toujours
Sur des trottoirs d'eau
Sans un brisant sur lequel
Poser leurs pieds amphibies
Les passants ne connaissent
Que l'argent des dauphins
Comme aéroglisseur fiable
Dans le spatio-temporel
Dans leur fauteuil sans roulettes
Lutins et faunes s'amusent
Sans se soucier de la véracité
Immolée sur les fragments de la pluie
Rédigé par : gmc | 01/01/2009 à 10:04
Encore un suisse nomade; pour être connu ou reconnu il faut s’exiler quant on a une hache aux fesses et une arbalète sur la pomme. Bel article, magnifique, vive et longue vie à lui…qu’il ne vienne pas mourir dans la fosse aux ours. J’adore son accent qui ne renie pas son identité.
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=500000&bcid=346084#bcid=346084;vid=5566664
Merci ! Je n’ai rien à ajouter que vous n’ayez déjà exprimé.
Rédigé par : Sylvaine Vaucher | 01/01/2009 à 12:14
Paul Nizon fait partie de ces écrivains que j'ai découvert grâce au Bateau Livre et que j'ai eu immédiatement envie de lire.Je ne sais pas pourquoi mais j'ai bien fait !
Quelle intensité d'émotions avec "l'année de l'amour"...
Et puis "Canto":
"Une petite, petite, petite, petite place fleurie.Dans la lumière, décodée, sérieuse du soleil, un matin de printemps."
Bonne année à vous aussi !
A.B
Rédigé par : Anne B | 01/01/2009 à 13:25
oui, un grand écrivain !
Rédigé par : isabelle grell | 08/03/2011 à 10:40
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Paul Nizon : un Ulysse piéton - Le Bateau Livre. Le blog de Frédéric Ferney
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