11 janvier
Michel ONFRAY publie "Les Radicalités existentielles", 6e volume de sa "Contre-Histoire de la Philosophie" (Grasset). Il poursuit avec ardeur sa quête, son parcours, son combat, en marge de la vulgate en vogue sur nos tréteaux. Il convoque, encore une fois, des auteurs qui ne sont pas parmi les plus fréquentés aujourd'hui: l'Américain Henry Thoreau (1817-1862), les Allemands Arthur Schopenhauer (1788-1860) et, encore plus délaissé, Max Stirner (1806-1856), qui préfigure Nietzsche. De l'air! Ca nous change d'Hannah Arendt qu'on agite comme une cloche, à tout bout de champ.
Comment définir Michel Onfray? On peut le lire comme un écrivain, un écrivain du bonheur de surcroît, un touche-à-tout comme Diderot, avec des saveurs qu'on ne trouve qu'à soi comme Deleuze ou Roland Barthes, c'est pourquoi j'en parle. Ni chrétien ni marxiste. Plutôt Montaigne que Descartes. Plutôt Helvétius (qui veut "le plus grand bonheur pour le plus grand nombre") que Voltaire, ce ricaneur. Plutôt Cyrano de Bergerac que Dom Juan, ce mythe. Plutôt corps amoureux que grand corps malade!
Avec lui, tout devient livre: il en a déjà publié beaucoup. Je me souviens de son premier ouvrage, "Le Ventre des Philosophes. Critique de la raison diététique", miam! en 1989: un joyeux brûlot libertaire, "fouriériste et gastrosophique". Avant lui, on ne savait pas que les philosophes avaient un ventre. Fidèle à soi, il a fondé un phalanstère, à Argentan, dans l'Orne, où il est né et où il habite. Il aime les salons, les bistrots, les bibliothèques, il préfère les jardins.
Michel Onfray veut faire entrer la philosophie dans la vie quotidienne: la liberté n'est pas donnée, c'est un combat à outrance; la philosophie en fournit à chacun d'entre nous les outils et les armes. C'est pourquoi il a quitté en 2002 l'Education nationale pour fonder à Caen une Université Populaire, ouverte à tous. C'est un succès. Il ne boude pas les médias: "Les plateaux de télévision peuvent être un formidable vecteur d'éducation. Refuser d'y paraître, c'est laisser le champ libre à ceux qu'on combat" (1).
Car Onfray ferraille, avec le plus grand calme, contre ses adversaires, principalement ses chers collègues, les crieurs, les caissiers, les jeteurs de sort, les colporteurs d'encens, les fripons émus, les ânes à reliques, les kantiens tristes, les mauvais perdants, les fakirs. Ca fait quand même du monde. "Il existe de nos jours des professeurs de philosophie, mais de philosophes, point", écrivait Thoreau, l'ermite de Walden, qui lui aussi démissionna de l'enseignement pour fonder sa propre école.
Quoi, le bûcheron, l'Indien, le Bon Sauvage, c'est ça, l'alternative? Pêche, chasse et tradition, c'est ça, le modèle? Un aller-simple pour Cythère: sea, sex and sun, avec de bons gueuletons? Non, pas tout à fait. Sa parade aux sottises, la voilà: une contre-histoire de la philosophie en dix volumes, détachée des modèles implicites (judéo-chrétiens et capitalistes) où elle baigne en France, à la Faculté. Onfray repêche les oubliés: Epicure, les cyniques, les gnostiques licencieux, les Frères et Soeurs du Libre Esprit, les libertins baroques, les sensualistes, les empiristes, les utilitaristes, les hédonistes.
Des noms? Démocrite, Diogène, Lucrèce et bien sûr Montaigne. Ce qu'il rejette et réfute: le dualisme pythagoricien, l'idéaliste platonicien, la patrologie grecque et latine, la scolastique médiévale, l'idéalisme allemand. Des noms? Platon, Augustin, Descartes, Kant (sa bête noire), Hegel. Avec cela, il a toujours le don de vous dénicher un oiseau rare de la pensée, un Aristipe de Cyrène (son préféré) ou un Bentivenga de Gubbio qui n'est même pas dans le dictionnairel!
Existentialiste? Il a dû être férocement sartrien à seize ans. Il a découvert la philosophie - toute la sagesse antique n'est-elle pas d'abord existentielle - à travers deux questions ou plutôt à travers un scandale et une énigme: la mort et les femmes. Toutes les femmes, les petites-filles et les grand-mères, les saintes et les gourgandines. Féministe? Oui, s'il s'agit de magnifier les différences. Son utopie, c'est l'agora où Diogène interpelle les artisans, les boutiquiers, les mères de famille, les putes, les esclaves, les métèques.
Michel Onfray est aussi un des rares à ne pas confondre la pensée de Nietzsche (l'éternel retour, la volonté de puissance, le surhomme) avec une pensée nietzschéenne qui se risque à penser à partir de Nietzsche, et non pas avec lui ou comme lui. Il le lit sans s'affoler comme un antidote au ressentiment et à la culpabilité qui empoisonnent la vie (et la pensée). Il se moque volontiers du nietzchéisme d'opérette de ceux qui sont forts avec les faibles et faibles avec les forts.
On le dit subversif? Bah! Qui peut l'être aujourd'hui? Sa seule ambition, je crois, est de mener une vie philosophique insoumise aux valeurs dominantes: l'argent, le pouvoir, la célébrité, qui ne sont pas des objectifs mais des résultats. A 50 ans, il rêve toujours de vivre en France comme un homme libre - venez armé, l'endroit est désert! Et sa morale, forcément provisoire et subjective, peut s'abréger dans une maxime de Chamfort: "Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi ni à personne..."
Vous allez me dire: il n'y a pas de mal à se faire du bien, n'est-ce pas un peu court? Combien de salauds jouisseurs (et de sacrifices admirables)! Une éthique du plaisir est-elle suffisante? Et comment choisir entre les plaisirs? Oui, je sais, au mieux, l'hédonisme est irréfutable, comme l'éléphant d'Alexandre Vialatte, et c'est tout le problème: on n'échappe au paradoxe que pour tomber dans la tautologie. Ce qui plaide en faveur de Michel Onfray: il a l'air heureux (sans être béat). Il aime la vie (malgré tout). En sa compagnie, on se sent plus léger (et moins con). Enfin, je crois, sous les dédains d'un matérialisme allègre, à la douceur infinie, à la tristesse d'Onfray. Qui dit mieux?
(1) "Mon abécédaire", magazine Lire, novembre 2007.
P.S. Aujourd'hui, on se croit libre de tout dire: liberté d'opinion, de pensée, de culte. Soit. Toutes les religions sont admises. Soit. Mais l'athéisme? N'est-il pas toujours ressenti comme une posture d'audace et de provocation que peu de gens (et peut-être moins que jamais) osent revendiquer. Imagine-t-on dans une campagne pour les élections présidentielles un candidat se proclamant athée. Non, c'est impossible. Ce serait un suicide politique.
Que vous vous disiez poète ne vous dispense pas d'être clair..au contraire!
Rédigé par : )( | 11/02/2009 à 21:39
Que vous vous disiez poète ne vous dispense pas d'être clair..au contraire!
Rédigé par : )( | 11/02/2009 à 21:40
Et Coluche ?
Rédigé par : Yasmine | 11/02/2009 à 21:49
« Le 21 ème siècle aura son philosophe » pour paraphraser Isidore Ducasse. Le voici donc intronisé : Michel Onfray, avec qui même Monsieur Sarkozy n'a pu faire autrement que de se confronter. La scène nous fut relatée, de manière fort flatteuse pour lui-même, par le philosophe lui-même. On peut exécrer les lumières catholiques sans négliger les lumières cathodiques, quand il s'agit d'éclairer les foules manipulées par les manigances obscurantistes.
Le 21ème siècle aura son philosophe. Il fallait que ce philosophe soit parfaitement en phase avec les vulgates de son époque (c'est à dire, qu'il paraisse les contredire pour mieux s'y conformer). Ainsi que nous l'a répété l'homme politique du 21ème siècle avec qui notre philosophe c'est spectaculairement confronté — voici venir le temps de la rupture et du traditionnellement incorrect. On peut résumer ça avec du Chamfort, mais c'est encore Loréal qui synthétise le mieux le génie d'une époque : « parce que je le vaux bien ».
Onfray réhabilite Nietzsche. Ses oeuvres, transmises sous le manteau par quelques érudits exégètes, se vendent en secret dans les libraitries du quartier Saint-Sulpice, dissimulées derrière Péguy, Max Jacob et Marie Noël.
Il n'y a plus guère que Philippe Sollers qui ose, avec Onfray, citer Nietzsche. On sait de quelle existence de clandestinité il le paye : caché au café de Flore ou rasant les murs rue Sébastien Bottin, pour échapper à la Sainte-Inquisition, qui fait rage.
Ardente Patience le dit avec plus d'ardeur et de patience que moi — elle est une tisseuse de nuances, une accordeuse de corps et d'âme dans l'unité de la personne humaine — et c'est parce qu'elle est poète et que je ne le suis pas :
l'athéisme est une chose tellement convenue dans notre société et à notre époque, qu'il faut vraiment avoir le goût de tirer sur les ambulances (sans même se préoccuper de la part de nous qui est à l'intérieur), pour perdre son temps à faire « profession de foi » d'athéisme.
Rédigé par : Anatole de Saint-Hilaire | 12/02/2009 à 00:34
Pari gagné...
Rédigé par : Christophe Borhen | 12/02/2009 à 00:45
Et vous avez gagné quoi Christophe Borhen ? autrement dit: "Qu'est-ce que ça te donne ?"
Rédigé par : Alistrid | 12/02/2009 à 05:40
"Anatole de Saint-Hilaire", allez donc visiter le blog de Alina Reyes "A mains nues"; C'est plein de bons sens...
Rédigé par : Alistrid | 12/02/2009 à 05:48
cheranonyme,
malgré ses écrits limpides, on appelle héraclite "l'obscur" et de nombreux poètes sont considérés comme "hermétiques".
allez donc savoir où se trouve le clair et où se trouve l'obscur; est-il plutôt dans les textes ou bien dans les regards qui les contemplent?
Rédigé par : gmc | 12/02/2009 à 08:52
Eh bien faites entendre l'énigme, ne vous défilez pas gmc-le-poète, gmc ni clair ni obscur sur cette éminente question de la trouvaille (?) de Zarathousra, qui précipiterait à votre avis son créateur dans un aussi radical inintérêt pour tous.
Rédigé par : )( | 12/02/2009 à 10:27
VARIATION GEOMETRIQUE
Dans d'autres poèmes
Zarathoustra s'appelle Gilgamesh
Ou Ulysse pour certains
Nul n'imagine la contemplation
Se mettre à trépigner
Quand arrive le moment
Des retrouvailles
Pourquoi s'agiterait-elle
Alors que de tous temps
Elle rayonne insouciante
Sous les frondaisons
Que les cils peignent en bleu
Rédigé par : gmc | 12/02/2009 à 11:06
Merci gmc
Rédigé par : )( | 12/02/2009 à 11:40
Merci gmc
Rédigé par : )( | 12/02/2009 à 11:45
JOUR DE FOIRE
Les amateurs d'énigmes
Voient dans l'eau claire
Les nodules que la danse
Construit dans leur regard
Le battement des paupières
N'imprime que de l'écume
Sur les vasistas incolores
Qui nourrissent le rêve
De pérégrinations enfantines
Ou de glorieuses odyssées
Dont toutes commencent
Par la chute des andouillettes
Dans le fracas des mirlitons
Sauvages épopées sans vergogne
Où le viol des domestiques
Redessine au fusain
La roupie du sansonnet
Rédigé par : gmc | 12/02/2009 à 11:49
Quand je vois parler d'hédonisme et nous faire la leçon ce curé dédaigneux affublé d'un baobab dans le cul ; tellement imbu de lui-même et si hautain qu'il ne fait jamais l'aumône d'un sourire, ça me glace.
Il ne lui manque qu'une règle de fer pour nous frapper le bout des doigts afin de bien nous faire rentrer dans la tête ce que c'est que le plaisir.
Il me rappelle ma prof de philo, héritière de hauts fourneaux, friquée à mort, inscrite au parti communiste, qui se permettait de nous dire à nous, enfants d'ouvrier, futurs ouvriers spécialisés nous-mêmes, ce qu'était un ouvrier et ce que nous devions penser en tant qu'ouvrier. Et nous étions obligés d'écouter les énormités racistes (sur le plan social ; car en plus, elle était stupide) qu'elle débitait. J'en vomissais aux inter-classes.
Je suis tellement fatiguée de ces Torquemada, contraire de ce qu'ils professent, je les fuis comme la peste.
Qu'il sourie un peu, qu'il soit un peu humble, qu'il s'aime un peu moins (dur labeur), qu'il descende de son cheval pour me parler à hauteur d'yeux et on verra après.
Sasha, ouvrière inculte, ça tombe sous le sens.
Rédigé par : Sasha | 14/02/2009 à 06:05
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Juste une citation de Nietzsche qui, devant la face d'un Onfray replet de lui-même aurait lâché un pet de tous les diables : "Depuis que le monde existe, aucune autorité n'a encore voulu se laisser prendre pour objet de la critique... aujourd'hui encore, il n'y a pas un orateur, qui ne s'adresse à elle pour lui demander secours (qu'on écoute, par exemple, nos anarchistes: quels arguments moraux pour persuader! Ils finissent par s'appeler eux-mêmes "les bons et les justes").
Rédigé par : lamoureux | 28/05/2015 à 19:09