18 février
Connaissez-vous la baronne Staff? Cette fausse aristocrate, née Blanche Soyer, a publié un manuel de savoir-vivre, "Usages du monde", destiné aux jeunes filles et aux dames, qui fut un must dans la bonne société de son temps. L'ouvrage parut en 1891. Cette année-là, Maupassant, rongé par la syphilis, sombre dans la démence; le général Boulanger se tire une balle dans la tempe devant la tombe de sa maîtresse; le gendre de Karl Marx, Paul Lafargue, entre à la Chambre. Ces choses-là ne se font plus du tout.
C'est aussi l'année où Toulouse-Lautrec dessine une affiche pour une célèbre danseuse du Moulin-Rouge, Louise Weber dite la Goulue. Escortée de ses deux acolytes, Valentin le Désossé et Grille d'Egoût, elle doit son surnom à sa manie de finir les verres abandonnés sur les tables; elle a du chien, elle n'a pas vingt ans et fait tourner la tête de tous ces messieurs. Un jour, on lui présente le Prince de Galles, elle fait voler son chapeau d'un coup de pied: "Salut, Galles! C'est ta mère qui paie la tournée?" Ce n'est pas du tout ce que recommandait la baronne Staffe dans ce genre de circonstances....
Laurence Caracalla a cru nécessaire de rajeunir l'ouvrage de la baronne en ajoutant notamment des rubriques sur le "portable", les "ascenseurs" et les "e-mails" dans un ouvrage intitulé: "Le Carnet du Savoir-Vivre" (Flammarion). Etait-ce bien utile? Les propos de la baronne restent éternels, intouchés par le temps. Jugez-en.
Florilège:
L'ail. La baronne Staffe recommande d'avaler une tasse de café noir après avoir mangé des côtelettes à la Soubise (à base d'oignons). Quant à l'ail, "Ah! dit-elle, n'en mangez jamais!"
L'automobile. "Je me déclare ennemie de l'automobile qui, malgré tous les perfectionnements, n'aura jamais la grâce, l'allure d'une belle voiture attelée de chevaux bien dressés... Ce grand chic passera de mode, grâce à Dieu!"
Les bains de mer. "On ne doit pas prendre de bains de mer le jour ni le lendemain du jour où l'on arrive dans une station maritime. Il est dangereux de se baigner quand on est très excité, quand on souffre d'une maladie aigue, après une nuit d'insomnie ou un exercice violent".
Le baisemain. "Au moment de la signature (du contrat de mariage), si le notaire demande à la fiancée la permission de lui baiser la main, elle la lui accordera après avoir consulté du regard sa mère et son fiancé".
Les baisers. "L'abus du baiser est nuisible au teint".
Le bal. "Il ne faudrait pas s'imaginer qu'on ne puise aller au bal qu'avec les épaules nues, ni qu'il soit distingué de se découvrir excessivement la poitrine".
La bicyclette. "Une toilette très simple est exigée pour ces promenades sur le cycle. Une jupe courte plissée, en serge grise l'été, en serge bleue l'hiver. Un chapeau marin bien attaché, en feutre ou en paille, suivant la saison. Un corsage de toile pendant les beaux jours, en laine pour les mois froids; un petit col, une cravate nouée, de bons gants souples et des bottines fortes".
Les bijoux. "On ne porte pas de diamants aux oreilles le matin avec un costume tailleur".
Les boissons. "Une femme ne doit jamais boire, sauf au dessert: que du vin trempé".
Le dîner. "Il n'est rien d'aussi sot que de refuser un plat qu'on vous offre en expliquant qu'il ne vous réussit pas".
Les fiançailles. "Il vaut mieux qu'une fiancée ne sorte pas en public avec son fiancé à moins d'être accompagné par un parent masculin qui seul encore a qualité pour la protéger et la défendre contre l'insulte".
Les secondes noces. "Il est de bon ton de se remarier sans éclat et sans bruit. Pour le mariage à l'église, on s'entoure de ses proches et de ses amis intimes mais la cérémonie doit être simple... La veuve ne s'habillera ni de gris, ni de mauve, ce qui serait peu aimable pour le second mari, mais elle évitera le rose, trop gai".
N'est-ce pas merveilleux? On dirait du Vialatte. Rêveuse bourgeoisie...
Ce qui m'amuse toujours dans ces manuels de "savoir-vivre", c'est de constater à quel point on peut s'empêcher de vivre. Stupéfiant.
"Salut, Galles! C'est ta mère qui paie la tournée?"
Une vraie bouffée d'oxygène, de l'air mon dieu, pour tous ces tourneboulés du savoir vivre !!
Rédigé par : Claire Ogie | 18/02/2009 à 05:03
Mon préféré:
"L'abus du baiser est nuisible au teint"
On peut facilement imaginer la Goulue,partir d'un grand éclat de rire...
Rédigé par : Anne B | 18/02/2009 à 06:56
Elle a raison, jamais de diamants le matin !
Quant aux manuels pour l'éducation des femmes, ils me font rarement pouffer. Sauf aujourd'hui, je vous l'accorde. Grâce au coup de pied de la Goulue et de Vialatte. Vous êtes très fort, Ferney !
(C'est malin, je visualise un coup de pied de Loana dans le bicorne de Notre Humble Talonnette tandis qu'elle lui demande : "C'est ta brune qui paie la tournée ?"
Rédigé par : Loïs de Murphy | 18/02/2009 à 08:52
Mon Dieu, que de règles!
"Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain..." (Ronsard)
Rédigé par : Tania | 18/02/2009 à 10:33
Je ne me lasserai jamais du baisemain...mais pas chez le notaire et aussi ouvrir la portière...quoique maintenant avec l'électronique !
Pour le baiser, après minuit, mon sang ruisselle et fait rougir la lune.
Rédigé par : Sylvaine V. | 18/02/2009 à 10:46
Et que dire du port en public de la montre Rollex, avant ou après 50 ans ? Ont-ils ajouté ce chapitre pour réactualiser le bouquin ?
http://anthropia.blogg.org
Rédigé par : Anthropia | 18/02/2009 à 11:02
Hier, la mort, aujourd’hui, le savoir-vivre… Ca balance. Les deux éternelles questions, en somme. Comment imaginer la vie sans savoir-vivre ? C’est nécessaire, absolument. La Baronne, la Goulue… Les deux extrêmes, ça balance encore. D’un côté, la constriction, de l’autre, une perdition, gentille peut-être, et sans drame absolu, mais quand même… Le Cru et le Cuit. Voire même recuit, c’est vrai, ça n’a plus de goût. Mais la galanterie, ça glisse c’est naturel, qui paraît louche, péjorative? C’est crétin. C’est pousser l’absurdité jusqu’à plus rien. La galanterie comme un hommage, adorable préambule avant plus ample conversation… Et sentir l’ail pendant ce temps-là ? Ca ne se peut pas. A mes yeux, du moins.
Un verre de thé fumant, une coupe de vin pourpre, du parfum pour exalter l’odeur. Chuchotis. Chuchotas. Tendre désir, tendre amour. Alchimie secrète, intemporelle, sans laquelle il n’est rien. Le reste, ça tourne autour, toujours. Du bluff. De la poudre aux yeux. Un bluff nécessaire, qui prend trop de place, quelquefois, et masque l’essentiel, la Vie, la Mort, l’Amour. L’essentiel, cette alchimie secrète, ça donne envie de pleurer, quelquefois. Oui, ça donne envie de pleurer, ces choses-là. Plutôt danser cette nuit, dans le cimetière voisin. Les morts ne m’effraient pas.
Rédigé par : Yasmine | 18/02/2009 à 13:37
Moi chuis du genre irrévérencieux, il parait. Nous tchations hier soir avec un ami en attente de la prose efféfenne vers minuit quinze et pas d'article!Nous nous sommes couchés frustrés...
Rédigé par : ororea | 18/02/2009 à 18:15
Point de manuel de savoir-vivre à mon actif livresque! La baronne Staff, il faudrait que j'essaie, juste pour rire.
Je n'ai jamais eu l'impression que ces choses là s'apprenaient dans les livres.
D'ailleurs, nous sommes tous pourvus d'un minimum de savoir-vivre et si manquements ou dérapages il y a, ils peuvent se révéler attrayants et tenir d'une certaine personnalité...
Je profite de ces quelques mots pour faire le lien et dire mon désaccord aux propos de Ruth Sutherland (cf votre billet "Glamour et... des françaises"), je cite "En France, elles continuent à cultiver l'élégance, quitte à devenir esclaves de l'apparence".
Esclave de l'apparence pour cultiver l'élégance! Non! L'élégance est innée. On ne peut ni la copier, ni la cultiver parce qu'on ne peut l'expliquer. Simuler le savoir-vivre comme la grâce rendrait la femme la plus intentionnée au mieux ridicule, au pire grotesque. Aucun assujettissement derrière l'élégance...
Alors, si elle nous fait défaut, ne tombons pas dans l'esclavagisme, restons naturelles, authentiques, avec un minimum de savoir-vivre (!), cela s'apelle peut-être, le charme.
Rédigé par : Anne Burroni | 18/02/2009 à 23:21
Pour qui voudrait prendre un peu de recul sur la question, je recommande vivement l'étude de Frédéric ROUVILLOIS, Histoire de la politesse de 1789 à nos jours reparu récemment en Champs Histoire. La métaphore de la marée s'applique à la politesse et au savoir-vivre : il semblerait que celle-ci remonterait...
Rédigé par : Hapax | 19/02/2009 à 01:40
MONKEY SAVOIR-FAIRE
En des rêves d'évolution
Paraître s'appelle vivre
Dont le savoir est un mot fat
VRP de la grossièreté
Des visions sensorielles
Où l'infra-pourpre est inconnue
Des bataillons de dindes
Qui paradent en overdose
D'hallucinogènes non délirants
Le cul et les miches
Aussi serrés qu'ampoulés
Sans tungstène ni baignoire
Rédigé par : gmc | 19/02/2009 à 11:35
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Rédigé par : ルイヴィトン ワードローブ | 07/09/2013 à 23:00
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Rédigé par : fen デュベティカ | 09/11/2013 à 14:50