6 mars
Je sais, la curiosité est un vilain défaut! Je n'ai pas pu m'empêcher de mettre le nez dans les épreuves du "Lièvre de Patagonie", les "Mémoires" de Claude LANZMANN (Gallimard) - le livre ne sera en vente qu'à partir du 12 mars. Ca ne pouvait être qu'un monument. D'ailleurs, tout est monument dans sa vie: son film "Shoah" (dont il raconte ici la genèse et la fabrication pendant douze ans de sa vie), Sartre, Simone de Beauvoir, la revue Les Temps Modernes. Lanzmann lui-même est un monument et se laisse visiter comme un monument: ma vie, mon oeuvre, mes combats, mes amours. Rien qui incite à la miniature, à l'aquarelle, au petit crayon. Tout appelle l'ampleur, la passion, la grande échelle (comme disent les pompiers) plutôt que des murmures. Ce n'est pas le premier venu: Sartre a même été un temps amoureux de sa soeur, c'est dire.
On est tellement habitué à voir des gringalets publier leurs mémoires à trente ans et demi qu'on l'avait un peu oublié: il faut avoir vécu, il faut de la stature, de l'épaisseur, pour que le jeu en vaille la chandelle. Un ego démesuré n'est pas un handicap, au contraire. Ca tombe bien. Il faut aussi un point de vue, une vision - les mémoires ne sont pas un journal intime écrit au jour le jour, le nez dans le guidon. On doit prendre de la hauteur, pas trop tout de même, si l'on veut éviter le style grand chroniqueur, à la Malraux: sur la photo, là, en tout petit, c'est moi, à côté du grand chêne déraciné - c'est ça l'écueil!
Une singularité: ce n'est pas un livre écrit de sa main, c'est un livre dicté à sa secrétaire, Juliette Simont (1). Comme si le travail de l'écriture, entre le labeur et les caprices de la mémoire, n'était pas nécessaire. Comme si tout était déjà écrit, prémédité, transmissible. Comme si tout ce qui sortait de sa bouche avait valeur d'oracle. Pour moi, pardon, c'est tout de même une bizarrerie, je n'arrive même pas à comprendre, à moins qu'on soit Moïse ou Mahomet...
Il est assez périlleux, on le sait, de vouloir contredire Lanzmann: intraitable et sacré, il a par exemple décidé qu'on ne devait plus faire des films sur les camps, ni Spielberg ni Roberto Benigni ni personne. On ne peut pas montrer "ça", Lanzmann a fait "Shoah" justement pour montrer qu'on ne peut pas montrer "ça". N'insistez pas, c'est définitif! Il n'y a pas, au cinéma, de postérité ni fictive ni documentaire à la Shoah après "Shoah" de Claude Lanzmann. Tout contrevenant, même en songe, à cette bulle papale sera aussitôt exécuté, en page 2 du journal "Le Monde".
Lanzmann a le culte de l'intelligence quand elle est souveraine, absolue comme le pouvoir d'un roi, sans réplique: il a, au fond, lui si indépendant, si irascible, l'âme d'un disciple. C'est peut-être le ressort secret de son amour pour Sartre.
On apprendra une foule de choses dans "Le Lièvre de Patagonie": sur son enfance pendant la guerre, sur sa relation avec Sartre, l'ogre adoré, qu'on imagine toujours penché sur épaule quand il s'essaye à penser, sur ses liens avec le Parti, sur ses voyages en Chine ou en Corée. Il y a ses amitiés, ses rencontres: Frantz Fanon, Albert Cohen, Judith Magre qui deviendra sa femme, Jean Cau, ancien secrétaire de Sartre, qui l'initie à la corrida, le cinéaste Chris Marker qui le boude, etc.
Il y a aussi, bien sûr, dans ce livre, l'écho sensible de sa passion devenue connivence amoureuse avec le Castor qu'il rend aimable, subtilement attentive, presque douce. Une prouesse. C'est moins un portrait qu'une ombre familière qui réaffleure au fil des pages. D'un autre côté, Lanzmann n'est pas du genre à s'attendrir, ce n'est pas un romantique; je le trouve assez macho, comme beaucoup d'hommes de sa génération.
Lanzmann explore aussi sa relation passionnée avec Israël s'attachant à prouver que l'appel messianique de la Terre Promise est ancestral, bien antérieur à sa forme politique tardive: le sionisme.
Quand on ouvre les "Mémoires" de Lanzmann, on ne s'attend pas un festival de légèreté et d'humour. Tout est grave, tout est sombre et mélancolique, chez cet homme-là. C'est le témoignage d'un intellectuel et d'un philosophe de combat. La grande affaire de sa vie, dit-il, c'est la peine de mort. Quand il avait six ou sept ans, il a vu au cinéma "L'Affaire du Courrier de Lyon" de Maurice Lehman et Claude Autant-Lara, chronique implacable d'une erreur judiciaire sous le Directoire, avec Pierre Blanchar et Dita Parlo. En 1938 (il a treize ans), on guillotine Eugen Weidmann devant la foule, à Versailles, il ne l'a pas oublié. Quoi qu'on pense de lui, Lanzmann est toujours resté fidèle à ce cauchemar d'enfant.
La deuxième grande affaire de sa vie, c'est ce qu'il appelle "l'incarnation". Je ne suis pas sûr d'avoir compris ce qui se cache sous ce mot: est-ce le moment où "tout devient vrai" dans le corps et dans l'âme, grâce au surgissement d'un nom ou d'un texte oublié? "A vingt ans, je l'ai dit dans ce livre, écrit-il en conclusion, Milan n'est devenue vraie que lorsque, traversant la Piazza del Duomo, je me suis mis à réciter pour moi-même à voix haute les premières lignes de "La Chartreuse de Parme". Il y a eu, à Treblinka, l'ébranlement hallucinant, aux conséquences sans fin, déclenché par la rencontre d'un nom et d'un lieu, la découverte d'un nom maudit sur les panneaux ordinaires des routes et de la gare, comme si rien ne s'était passé. Il y a eu les larmes retenues d'Abraham Bomba dans le salon de coiffure de Tel-Aviv".
Quant au lièvre qui est dans le titre, il ne cesse de passer par ici, de repasser par là, comme le furet de la chanson. Il y a les lièvres qui jouent sous les barbelés d'Auschwitz-Birkenau. Il y a ce "lièvre mythique" qui se jette devant ses phares, au crépuscule, à la pointe de la Patagonie, et qui lui "poignarde le coeur" en suscitant une joie étrange: "comme si nous étions vrais ensemble", dit-il. Est-cela l'incarnation?
Me plaît ce bel aveu d'un homme de quatre-vingt-quatre ans: "Je ne suis ni blasé ni fatigué du monde, cent vie, je le sais, ne me lasseraient pas".
(1) Faut-il le croire? Mon amie Josyane Savigneau (qui adore le livre) trouve qu'il abuse un peu du passé simple, comme Simone de Beauvoir, émaillant sa prose de "nous commençâmes" et de "nous nous étreignîmes", qui n'ont rien de spontané et donnent parfois à son récit la solennité d'un bon devoir de français. Pour le savoir, il faudrait torturer Simone, la fidèle secrétaire...
La mythologie auquel Lanzmann a participé me lasse un peu, le couple éternel Sartre-Beauvoir avec ses amours contingentes, un pur fantasme intellectuel, ne me fait vraiment plus rêver.
Et si l'incarnation a un sens, c'est dans cette acceptation du réel, de ressentir ce qu'on vit, en-dehors d'un prisme intellectuel, s'incarner, c'est accepter s'être trompé, accepter de ne pas être dans la maitrise du couple, du temps, c'est s'humaniser.
Le hic avec Lanzmann, c'est qu'il se remet peu en cause et qu'on imagine guère son incarnation comme une petite musique de vie.
En même temps, Lanzmann, c'est Shoah, cette oeuvre magistrale, oui, c'est une conscience du siècle et c'est une fleur bleue quand il parle du Castor.
http://anthropia.blogg.org
Rédigé par : Anthropia | 06/03/2009 à 09:35
Même s'il "abuse un peu du passé simple", Claude Lanzmann se raconte enfin...
Sa vie est-elle une suite d'évènements métaphysiques ?
Je suis obligée de refouler ma "curiosité", je vais attendre sagement le 12 mars, l'envie de lire ainsi s'amplifie, et c'est toujours un sentiment agréable.
Quant à Shoah, c'est le film le plus incroyable, le plus antispectaculaire qu'on ait jamais réalisé, je suis assez d'accord avec Lanzmann "on ne devrait plus faire de film sur les camps ".Simone de Beauvoir disait "Pour la première fois, nous vivons l'affreuse expérience dans notre tête, notre coeur, notre chair, et cette expérience devient la nôtre".
Mais c'est hélas, toujours, "la première fois".
Rédigé par : Anne B | 06/03/2009 à 17:47
Bientôt une nouvelle émission littéraire sur le net avec FF, Judith Bernard, et Nollaud et un grand auteur, le mardi soir, tous les quinze jours. C'est annoncé dans l'emission de Daniel Scheidermann :
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=1742
Wéééééééééééééééééééééééééééééé!
Rédigé par : ororea | 06/03/2009 à 18:54
Ororea, toujours informée la première, avec vous c'est le web "sympa", merci pour l'info, j'espère que ces émissions engendreront débats et réflexions endiablées et passionnées sur ce blog !
Je suis une débutante en la matière (mes premiers commentaires sur un blog datent de juin quand j'ai découvert celui d'Eric Poindron), j'aime bien l'idée de "correspondance", j'aime l'épistolaire, pour moi ce blog, c'est dire, parler, réfléchir, s'exprimer (j'ai envie de dire s'exprimer avec esprit, je préfère le crayon, le stylo , le pinceau, mais j'avoue mettre subtilement et agréablement habituée à ce plaisir littéraire.
Rédigé par : Anne B | 06/03/2009 à 19:42
Merci, Announette, ma pineco! Vous allez vous y faire à mon humour celte, je suis sûr.
Je sais bien que les Français ne font que râler mais tous les quinze jours pour un éphéfodépendant, c'est pas assez.
Rédigé par : ororea | 06/03/2009 à 20:03
Pour en revenir au sujet d'hier, la lecture fait partie d'un mystère, une incroyable force qui peut-être salvatrice (destructrice ?), et qui s'adapte mieux, à mon goût, au toucher visuel du livre, je lis plus vite et sans doute plus "intelligemment" avec un manuscrit entre les mains, ma réflexion intérieure est plus pertinente, souvent plus spirituelle, emmener un livre dans un ailleurs, c'est tout de même agréable.
Je sais lire à peu près partout et n'importe où, mais sur le web, je dois m'adapter.
Rédigé par : Anne B | 06/03/2009 à 20:06
P.S J'ai lu "Point de côté" de Josyane Savigneau", c'est un livre pertinent et agréable,j'ai appris des tas de "trucs" sur l'édition et le journalisme, et pour ceux qui aiment Ph. Sollers, "y'a un petit plus".
Rédigé par : Anne B | 06/03/2009 à 20:15
Moi je suis habituée à lire sur un écran...J'ajouterai que sur le site de Daniel Schneidermann (je vous conseille de vous y abonner dès maintenant), vous disposerez sûrement d'un forum où débattre des émissions des trois critiques : JB, Naulleau et FF...La première émission est déjà enregistrée, c'est sur Vinaver...
Rédigé par : ororea | 06/03/2009 à 20:17
Ah oui? Et bien justement, la romancière qui s'occupe de notre atelier d'écriture du vendredi trouve nos textes intéressants et voudrait en publier quelques uns. Il y a un débat entre ceux qui veulent qu'on sache que c'est un atelier thérapeutique (pour malades psychiques) et ceux qui ne veulent pas traîner cette étiquette. Bon, et puis faudra trouver un éditeur...
Rédigé par : ororea | 06/03/2009 à 20:28
Mais Lanzmann n'ignore pas que la Terre Promise c'est que nous sommes tous promis à la terre, pour peu, bien sûr, que le " Système " n'institue pas un autre mode d'évacuation, auquel cas tous les cénotaphes seraient bien peu de choses - et ils le sont.
Lanzmann a raison. Sur toute la ligne.
Lanzmann a décidé que l'on ne devait plus faire de films sur les camps, dites-vous. Il a raison. Mais alors, Lanzmann gardien du temple ? Ce serait se foutre de la gueule du monde (entier) que de proférer une telle connerie ! A-t-on déjà vu un temple de cendres ?
(au passage, Frédéric, vous n'êtes certes pas le dernier à savoir qu'en l'espèce l'emploi du terme "exécuté", même pour évoquer la page 2 du "Monde", n'est pas du meilleur effet)
J'aurais été heureux, cette semaine, de lire Sollers dans le "Nouvel Obs" et vous ici s'agissant de l'énorme Lanzmann.
Merci.
Rédigé par : Christophe Borhen | 07/03/2009 à 02:19
"J'avoue m'être"... un petit tour dans le passé ne me fait pas de mal, j'en profite pour corriger mes fautes, mes excuses !
Rédigé par : Anne B | 12/03/2009 à 14:59
Claude Lanzmann, pour le meilleur et pour le pire.
Pas facile de se libérer pour re-voir Shoah de Claude Lanzmann.
Je profite des vacances pour visualiser ce documentaire d’une durée de neuf heures trente qu'on ne présente plus et que je n'ai pas revu dans son intégralité depuis 15 ans.
Je m’installe : la projection devra commencer à 9h le matin car je sais - pauses incluses -, que j’y passerai la journée.
***
Contrairement à ce qu'écrivait Simone de Beauvoir lors de la sortie De Shoah en 1985, (« Pour la première fois, nous vivons l’affreuse expérience dans notre tête, notre cœur, notre chair, et cette expérience devient la nôtre» - sans doute a-t-elle livré à la postérité ce commentaire à titre de prestation compensatoire : pour avoir été une planquée à Radio-Vichy, pendant l‘occupation. Allez savoir !) l'expérience de ce documentaire qui explore des faits irréfutables, ne sera jamais vraiment la nôtre ; malaise, le cœur à genoux mais la chair indemne : on ne peut que demeurer spectateur.
Shoah nous montre les rescapés, les témoins, quelques bourreaux, et avec minutie : des faits - transport des déportés, convois, trains, camions, voies ferrées, routes, camps menant à la mort, topographie des lieux du crime, organisation, identification, écoutes des victimes, visages, voix…
Si ce documentaire est un outil qui nous permet de comprendre comment ce crime d‘exception a été perpétré, à défaut d’un "comment ce crime a-t-il été possible et pourquoi ?" - pour cela, il faudra retrouver Arendt et Lévi, et les avoir lus, vingt ans plus tôt -, au fur et à mesure de son déroulement, là, sous mes yeux, un autre malaise me saisit : le réalisateur semble profiter de l’opportunité qu’il s’est offert pour tenter subrepticement de faire le procès de tout un peuple : le peuple polonais (celui du Nazisme n’étant pas nécessaire puisque Nuremberg s’en est déjà chargé).
Absence de compassion et de solidarité, voire même… réjouissance à l‘idée de voir les juifs de Pologne disparaître corps et biens ; au fil des minutes et des heures, ce documentaire semble s’orienter vers une tentative de mise en accusation du peuple polonais dans son ensemble : peuple pourtant occupé, vaincu et martyr, tout à la fois.
Plus souvent interpellés et garder à distance de la caméra et du micro de Lanzmann que réellement interviewés, tentant de créer un climat de confiance et d’impunité propice à toutes les confessions de la part de polonais très très moyens, vivant en milieu rural, Lanzmann n'a qu’un souci, à la motivation sournoise, subtilement mâtinée de mépris, plus proche du règlement de comptes que de la recherche d‘une quelconque vérité concernant la nature humaine : confier à ces quelques polonais triés sur le volet, le soin de débiter des préjugés anti-sémites bien établis et ronflants, un rien pantouflards, insistant sans relâche, les relançant, s’acharnant lorsqu‘il n‘obtient pas d‘eux ce qu‘il croit devoir attendre et surtout, entendre...
(Pour la traduction de ces séquences, j'ai fait appel à un ami polonais ; en effet, je ne souhaitais pas me contenter de la traduction qui nous est proposée)
Certes, on m’objectera - ou bien alors on ne m’objectera rien, ce qui est tout à fait possible -, que Shoah n’est ni un travail de journaliste, ni un travail d’historien, ni d'intellectuel…
Soit !
***
Quelques années plus tard, avec "Tsahal", documentaire imbécile à la gloire de l‘armée du même nom (quand on sait que c'est l'occupation et la colonisation par l’armée de Tsahal de la Cisjordanie qui condamne le peuple israélien depuis 67 à ne jamais connaître la sécurité ni la paix…), notre documentariste consacrera cinq heures à cette armée israélienne - armée culte à défaut de documentaire culte...
On aura même droit à pas mal d'âneries, du style : "Notre armée est pure (...), elle ne tue pas d’enfants. Nous avons une conscience et des valeurs et, à cause de notre morale, il y a peu de victimes [palestiniennes]"…
Non contradictoire, véritable outrage à la vérité factuelle, le plus souvent, ce film de propagande est d’un ennui ferme pour quiconque sait voir un tout petit peu plus loin que le bout de son nez… comme - mais ce n’est qu’un exemple -, être capable, au sujet de la politique de l'Etat israélien, d'établir des relations de causalités tout en prenant soin d'éviter de prendre les effets pour les causes ; et puis aussi, faire preuve de clairvoyance en étant à même de les prévoir… tous ces effets dévastateurs (et dans ce domaine, les précédents ne manquent pas : il suffit de se pencher sur l’histoire coloniale européenne).
Intellectuellement faible mais... documentariste doué, habile et déterminé, sachant se donner les moyens de dire ce qu’il a à dire, avec Lanzmann, une vision manichéenne du monde semble dominer, doublée d‘une vision à la fois presbyte et myope...
Aveugle Lanzmann ?
Directeur de la revue Les Temps Modernes qui prend aujourd’hui comme un sacré coup de vieux (ou d'ancien), l’engagement anti-colonialiste de Lanzmann (il fera partie des signataires du Manifeste des 121, qui dénonce la répression en Algérie de 1957), et la fréquentation de Sartre et de Simone de Beauvoir ne lui auront donc été d’aucune utilité et d'aucun secours…
Ou bien alors, cette dernière fréquentation serait responsable de sa cécité, et c'est bien possible, après tout : relents de manichéisme stalinien dans la pensée de tout ce beau petit monde ?!
***
Mais... pourquoi hésiter à le dire !
N'est pas Hannah Arendt qui veut !
Non. Vraiment !
Je pense à son étude sur le totalitarisme et l’aptitude de certains régimes à détruire la volonté des individus ainsi que son étude sur le mal, ou plutôt, son étude sur les ressorts du mal et de sa banalité dont aucun peuple, aucune culture et aucun Etat ne peut prétendre être à l‘abri, sûr de son bon droit... sans oublier le fait que les cours d’assises et les cours internationales regorgent d’individus qui avaient tous de "bonnes raisons" de penser et d'agir comme ils l'ont fait.
Et là encore, aucun doute n'est possible : n’est pas Primo Lévi qui peut !
Son ouvrage "Si c'est un homme" explique, à la manière d'un sociologue, la déshumanisation, l’absence de solidarité et de compassion dans les camps, les stratégies et les tactiques machiavéliques - seules conditions pour assurer sa survie -, la culpabilité des survivants…
Avec ces auteurs, c’est un pas de plus vers une nouvelle compréhension de cette nature humaine labyrinthique (et toujours innovante !) qu‘est la nôtre, qui nous est proposée : nature en trompe l'oeil, dissimulatrice, accapareuse et rétentrice, cruelle au besoin et toujours prompte à l’oubli, ne serait-ce que pour pouvoir encore se regarder dans la glace le matin à l’heure du rasage pour les uns, de l'épilation et du maquillage pour les autres.
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Lanzmann aura été confronté à trois peuples martyrs.
Les voici, dans l'ordre chronologique (liste non exhaustive, bien évidemment et puis… vous pensez bien !)
- Peuple juif (dont il fait partie).
- Peuple polonais : objet de son étude par la force des choses ; rappelons que résidait en Pologne la plus importante communauté juive d’Europe ; il aura donc bien fallu que la Pologne les ait accueillis à un moment ou à un autre tous ces juifs (au 15è siècle, ce fut fait) et que les autres pays d‘Europe ne se soient pas trop pressés d‘en faire autant - quand ils ne les auraient pas tout simplement priés d’aller voir ailleurs si cela se faisait que d’être juif ; sans oublier les nombreux enfants des familles menacées d'extermination qui auront été confiés à des familles polonaises catholiques, lesquelles se seront acquittées de leur responsabilité avec honneur.
Et pour finir…
- Peuple palestinien, à travers les actions de résistance de ce peuple contre l‘Etat colonisateur qu‘est Israël et l‘engagement un tant soit peu légitime, sinon compréhensible, de Lanzmann auprès de cet Etat.
Or, de ces trois peuples martyrs, Claude Lanzmann n'en aura reconnu qu'un seul : son peuple ! Les polonais et les palestiniens n'étant à ses yeux que les bourreaux du peuple juif.
Arroseur arrosé, l’accusation portée contre les peuples polonais et palestinien pouvant lui être très facilement retournée, la Shoah aura fait de Claude Lanzmann un tartuffe de l’élévation de la conscience humaine, lui-même s’étant trouvé tout juste dans la moyenne (sinon, bien en dessous) quand il s‘est agi d’être capable de faire preuve de compassion, de solidarité et de compréhension envers les peuples polonais et palestinien, refermant ainsi sur lui toutes les portes qui auraient pu le mener au statut d'Etre d‘exception, seule et vraie élite pour un monde toujours menacé par un moins disant moral et éthique porteur de dangers sans nombre : ceux de l'égoïsme, de l'injustice et de la barbarie.
Si l’expérience de la "solution finale" d’un Primo Lévi et de quelques autres aura permis à ces êtres de se hisser jusqu'à l'Universel - transcendance et sublimation en appui -, éclairant tel un phare notre conscience, réveillant telle une semonce cette même conscience propre aux humains, loin de toute appartenance communautaire, et ce... bien au delà de cette expérience unique qu‘est la Shoah…
Ce dont l’Humanité a pourtant tellement besoin ; elle qui ne cesse d’osciller entre sainteté et démons pour finalement trouver un équilibre dans un entre-deux toujours précaire, certes, mais... qui permet, tout de même, à bon nombre d’entre nous de nous coucher avec la quasi certitude de pouvoir nous réveiller sains et saufs et à peu près... indemnes... pour ce qu‘il en est de notre existence au quotidien...
En revanche, le travail du documentariste Lanzmann n'aura pas échappé à cette règle, décidément récurrente, comme tant d'autres et peut-être plus que tout autre, qui fait de l'être humain un être à la compassion intermittente et sélective...
Car, confrontés à ce travail, ce dont il nous est demandé d’être les témoins c'est de la chape de plomb d’une conscience humaine universaliste absente et du triomphe de l'égoïsme et d'une haine à peine contenue, dans une vision communautariste à la raison débilitante... contre le poids plume d'une conscience humaine capable de réconciliation et d’accalmie dans une élévation qui laisse loin derrière elle une bêtise revancharde et vindicative, fruit d'un ressentiment stérile, castrateur de toute pensée et de son développement, la privant de maturation et de justesse.
P.S
Souvent présenté en France comme un intellectuel jouissant d’une autorité qui se voudrait morale, Lanzmann est un documentariste sans i(I)dée parce que... sans p(P)ensée, un documentariste de "La communauté" (toute communauté : de naissance, d’adoption, communauté intellectuelle, ethnique, sociale) comme seul espace digne de considération ; espace d'épanouissement, de développement... et de jouissance, au sens lacanien.
Les faits concernant la Shoah sont bien plus forts, bien plus grands, bien plus têtus et bien plus féconds que tout le travail de Lanzmann ; il suffit de se reporter à tout ce dont la Shoah a accouché dans le domaine de la p(P)ensée : Arendt, Primo lévi, Lévinas...
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Au sujet de la relation Lanzmann - Simone de Beauvoir...
Tragique ironie !
L’acharnement aveugle d’un Lanzmann dont la démarche - comme nous avons pu le voir -, semble le plus souvent plus proche du règlement de comptes que de la recherche d‘une quelconque vérité concernant la nature humaine, cacherait-il une culpabilité inconsciente eu égard à son attachement à une Simone de Beauvoir (sans oublier Sartre) qui pendant l’Occupation, et alors qu'elle est employée à Radio Vichy, incarnera à la perfection cette classe privilégiée et éduquée restée supérieurement indifférente face aux lois anti-juives et face à une rafle du Vel d’Hiv qui enverra à la déportation et à la mort 13 152 juifs ?
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Extrait de “Actualité et Société” sur www.sergeuleski.blogs.nouvelobs.com
Rédigé par : Serge ULESKI | 22/03/2009 à 22:11
sabrina balbinetti scivre:Una mia poesia PER NON DIMENTICARESAN LORENZO 19 LUJO DER '43Povera Nannarella fja de stradacresciuta tra baracche e carcinacci,ricordo ancora quanno l'ho ncontrataciaveva addosso solo quattro stracci.Era er quarantatre8 la fame neraspigneva a compie azzioni malamente,quarcuno volle principie0 sta guerach'aruvinf2 er destino a tanta gente.Er codice mponeva d'ammazzalli…ma Nannarella no, era n peccato,du' occhi neri che…solo a guardallite fanno senti' zucchero filato.Sotto li panni zozzi e sdrucinatic'era l'acerbo corpo de na donnacosec, queli bojacci assatanati j'hanno strappato via puro la gonna!A turno tutto er gruppo d'esse- essefece la fila una botta e via!Io me so' chiesto, ma come po' esse'che staveno a tocca' una Giudia!Puro la razza Ariana in de sti casice s'arimmischia co' quella nferiore,co' la capoccia dritta, in arto i nasiso' usciti soddisfatti da n par d'ore.Co' la vergogna, strigne tra li dentila rabbia d'esse “'na privileggiata”e tra li lampi dei bombardamentirimpiange puro er giorno d'esse' nata!Da sopra la baracca de lamierala notte ha operto tutto er fazzolettoe lacrime de stelle quela seraha pianto er celo cor dolore in petto!Da allora, la pora Nannarella,s'arabbbia mf2rto quanno che l'abbracciner nosocomio fa nisconnarella e dondola na bambola de stracci!SABRINA BALBINETTI
Rédigé par : Roma | 28/05/2012 à 04:06
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Rédigé par : cheap louis vuitton luggage | 12/09/2013 à 16:15