23 mars
Relu, la nuit dernière: "On n'est jamais sûr de rien avec la télé. Chroniques, 1959-1964" de François MAURIAC, édition établie par Jean Touzot et Meryl Moneghetti (Bartillat). C'est le meilleur remède à l'insomnie que je connaisse.
1959. De Gaulle règne sur la France. Quand Jean-Jacques Servan-Schreiber, le puissant directeur de L'Express, propose à François Mauriac, 74 ans, de tenir une chronique de télévision dans son journal, celui-ci accepte aussitôt. Ca l'amuse follement, cette vieille âme! Non seulement il va faire le job mais il va s'en délecter, trépignant devant la petite lucarne comme un enfant devant une vitrine de jouets.
Le Général, lui aussi, adore la télé, il va très vite apprivoiser ce drôle de machin qui fascine les Français, à la fois comme téléspectateur (avec le concours de Dame Yvonne) et comme acteur; il va apprendre à s'en servir, en monarque cabotin et roué. Le Roi-Soleil qui avait la jambe bien faite s'exposait sur une scène de danse à Versailles, De Gaulle lui va affronter la caméra. Ouf! heureusement, on a changé d'époque. D'une certaine façon, il donne l'exemple au vieil écrivain qui ne le quitte jamais des yeux.
Mauriac est éclectique, d'une insatiable curiosité. Tout l'intéresse de "Lectures pour tous" à "Bonne nuit, les petits" en passant par "Intervilles" qui le ravit. Il n'y a que le sport qui l'ennuie. C'est un portraitiste implacable. Quel oeil! Juliette Gréco: "Ce beau poisson maigre et noir". Fidel Castro: "Que reste-t-il de l'homme, la barbe enlevée?" Brigitte Bardot: "Il y a du carlin dans cette petite figure boudeuse". Khrouchtchev: "Vieille tête comme servie sur un plat, émouvante pourtant, pareille à une vieille tête d'apôtre détachée du portail de la cathédrale Saint-Marx".
Devant les caprices de la mode, il se barbouille le visage de son petit rire de sacripant, il pouffe, il médit un peu, oui c'est un péché, mmh! c'est si bon, il se confessera plus tard. Evidemment, parfois, il se fâche, en moraliste exact, contre un jeune prêtre qui dit la messe avec un tam-tam, contre Casarès qui ne comprend rien à Racine, contre la gauche, contre la droite (qui est sa famille sans doute, mais pas son parti!), contre les sottises: "Si le néant pouvait se glorifier de ne pas être, nous l'aurions entendu ce soir". Il pourfend les préjugés: "La bourgeoisie? Mais elle a produit Claudel, Valéry, Gide, Proust, Manet, Cézanne, et presque tout ce qui compte dans tous les ordres". Il doit penser en secret: "Et moi donc, suis-je un fils du peuple"? Il ignore ce qu'on appelle aujourd'hui: le politiquement correct.
Quelle leçon d'actualité! C'est Bossuet qui s'encanaille sur le Pont-Neuf.
Oui, alors pour mardi après midi, pas de chemise noire, plutôt une colorée (perso le bleu me fait le même effet qu'une muleta rouge pour un taureau), les chemises en jean ça vous rajeunit de dix ans, une tite barbe de quelques jours bien virile, bien noire (là vous pouvez) serait du meilleur goût. Mais bien sûr, par esprit de contradiction, vous pouvez faire tout le contraire. (Fan de FF, c'est une ascèse)
Rédigé par : ororea | 22/03/2009 à 23:33
Un remède à l'insomnie fait dormir.
Mauriac parlant de la télévision fait-il dormir ou comble-t-il plaisamment le temps libéré par l'insomnie? Faudrait voir à voir.
Racontées par Frédéric Ferney, les chroniques de Mauriac ressemblent à une méthode:"comment bien regarder la télévision, par l'exemple".
Fallait-il que la télé soit encore imprégnée d'une fraicheur juvénile, pour se permettre de simplement la raconter en interprétant ce qu'on voit, gargouille, carlin, ou de la corriger comme une copie en rayant le tam-tam d'un trait rouge. Et faut-il que la télévision soit devenue une chose ressassée, remâchée par 6 ou 7 estomacs!, pour qu'on en soit arrivé à arrêt sur images...
Rédigé par : mme petit poisson | 23/03/2009 à 00:18
Si le chroniquer Mauriac est savoureux, ce que FF démontre fort bien dans ce billet, le romancier fait montre d'une incroyable acuité psychologique et d'une rare maîtrise de l'art du récit. "Thérèse Desqueyroux", "Le Noeud de vipères", "Génitrix", "La Fin de la nuit" n'ont rien perdu de leur force. Bref, un écrivain à redécouvrir...
Rédigé par : Franck Bellucci | 23/03/2009 à 07:07
Mme Petit Poisson,
Vous avez raison: l'expression "le meilleur remède à l'insomnie" est ambiguë. Je voulais dire: une lecture qui fait que les heures vides sont pleines, que les clavecins noirs de l'insomnie cessent de battre contre les tempes.
F.F.
Rédigé par : Frédéric Ferney | 23/03/2009 à 07:46
Oui, Mauriac excelle dans la chronique, un diariste hors pair, toujours prévisible mais redouté car impitoyable, et pourtant son univers ne semble jamais laisser prise au hasard, on se sent bien dans ses livres, tout paraît presque cohérent. Il n'abandonne jamais ses personnages, les portent jusqu'à la fin, obsédé par la misère de l'absence de Dieu.
je le trouve "coquin" et astucieux, lucide sur la condition humaine;
En effet c'est un écrivain à redécouvrir...
D'un bloc-notes à l'autre 1952-1969,sorti des oubliettes des archives du figaro (il y a 5 volumes), est un authentique chef-d'oeuvre.
Rédigé par : Anne B | 23/03/2009 à 07:49
Ororea,
Merci pour vos recommandations. Va pour le bleu. Quant à la barbe (poivre et sel, et non plus noire, j'attends le plein été.
F.F.
Rédigé par : Frédéric Ferney | 23/03/2009 à 07:51
Pardon il "les porte"
Rédigé par : Anne B | 23/03/2009 à 07:51
Que la bourgeoisie ait eu ses rebelles n'en fait pas pour autant une classe sociale juste, intelligente et créative; Gide, Proust, et les autres sont du côté de l'entropie du système, minoritaires de chez eux, écartelés du fait de leur identité sexuelle, forcés de se ranger du côté des opposants parce qu'expulsés, rejetés.
Non, la bourgeoisie a produit le pire et son remède, comme des anti-corps qui l'ont aidée sans doute à perdurer.
http://anthropia.blogg.org
Rédigé par : Anthropia | 23/03/2009 à 08:52
Produire le pire et son remède, Anthropia, c'est justement être juste, intelligent et créatif.
Le prolétariat a produit son propre pire en la personne de Joseph Staline mais n'a pas réussi à y remédier.
Rédigé par : Gaspard | 23/03/2009 à 09:56
Non, Gaspard, car c'est à son insu que la bourgeoisie l'a fait, elle ne l'a pas maitrisé, elle a subi, tenté souvent d'étouffer dans l'oeuf, preuve que la créativité est plus forte que le conformisme.
http://anthropia.blogg.org
Rédigé par : Anthropia | 23/03/2009 à 10:09
Ah, je n’avais pas compris non plus pour l’insomnie. Parce que comme remède , j’allais vous proposer Kristeva. Elle est fantastique et remplace très bien les somnifères. Un bémol quand même . A la clé, le risque des effets secondaires : croire que tous les psychanalystes sont à son improbable image. Eh bien non, pas du tout ! Certains sont excellentissimes, Yves Prigent par-exemple. Non seulement il est Breton,(un clin d’oeil pour vous, Ororea) mais bien davantage encore. Ni coupeur de têtes, ni raseur (de barbes ?) ni pétri d’insuffisance et de suffisance. Qu’en aurait pensé François Mauriac, de tout ceci ? Que je suis complètement hors-sujet.
Rédigé par : Yasmine | 23/03/2009 à 11:13
"c'est le meilleur remède à l'insomnie que je connaisse", j'avais compris, mais "une lecture qui fait que les heures vides sont pleines , que les clavecins noirs de l'insomnie cessent de battre contre les tempes", c'est tellement plus beau, et si juste aussi...
Je peux l'inscrire M'sieur sur mon moleskine ?
Rédigé par : Anne B | 23/03/2009 à 12:57
Yasmine, je n'ai jamais essayé avec J. Kristeva, mais si ça marche c'est doublement épatant !
Rédigé par : Anne B | 23/03/2009 à 12:59
"Traverser l'image", bel article, dans la revue d'Art Press du mois d'avril, à propos de l'exposition de Andy Warhol au grand palais.(du 18 mars au 3 juillet).
Rédigé par : Anne B | 23/03/2009 à 13:27
Anne, je crois qu’on a un bug, là. Vous aimez Sollers, j’aime Clooney, ok, c’est entendu, l’affaire est close et dans le sac, en plus j’ai un grand sac et si je peux y mettre Clooney c’est tout bénéf. Ca n’empêche pas de se taquiner, (vous et moi je veux dire, pas Clooney et moi parce que ça c’est privé , et le Capitaine aussi beau en noir qu’en poivre et sel d’ailleurs risquerait de trouver cet étalage inconvenant et me débarquerait à nouveau aussi sec et impérativement.). Quant à la Kristeva, mariée ou non à Sollers, elle a des vertus dormitives, Anne, dor-mi-tives. C’est consternant. Je suis consternée. Essayer Kristeva ? Alors, Soso d’un côté et Krikri de l’autre ? Vous vivez dangereusement, là. Je me demande s’il ne vaut pas mieux les somnifères finalement… Bon, imaginons : il y a des hommes sur ce bateau, on est d’accord. Imaginez que je leur dise : “Hommes, essayez la Kristeva !” Ok bon, et maintenant, je leur dis :”Hommes, essayez la Jolie, la Thurman ou l’Oldsmobile !” D’après vous, quelles seront leurs réactions ? Parce que tant qu’à vivre dangereusement, autant que ça soit agréable quand même ! Si vous voulez absolument essayer un psy, tentez Yves Prigent ou Pierre Babin. Mais chacun son nounou son doudou, son roudoudou ou son scoubidou. Quant à moi, douce et délicieuse comme une anguille, je persiste et signe : à bas l’Ebola, à moi le Balai!
Rédigé par : Yasmine | 23/03/2009 à 14:07
J'ai déjà entendu parler de ces chroniques, et ce exactement dans les mêmes termes avec les mêmes références (les portraits, que je trouve plutôt insignifiants), ses goûts et dégoûts en matière de télé... Ouais... je ne vois pas ce qui dans ce que vous proposez comme extraits donne vraiment envie de lire ça. Je me demande même à vrai dire si dans les chroniques de ce pépé catho, un peu refoulé, adorateur du mode de vie bourgeois, on ne peut pas lire le déclin de l'intellectuel de droite en beauf tout autant de droite versant dans le populisme (Intervilles, les vachettes, Zitrone et Guy Lux, c'est quand-même un peu pathétique)... J'ai rien contre Mauriac, mais je me demande s'il n'est pas largement surfait. Ce que la bourgeoisie a vraiment crée de bon, ce sont les quelques uns qu'il cite et qui, pour ceux que je connais, ont fait quelque chose après s'être arrachés à elle (à part peut-être Claudel que personne au monde n'a jamais lu avec entrain...), sinon dans le mode de vie au moins en pensée. A ce titre là, le franquisme a produit Almodovar, le nazisme Primo Levi et le communisme Agotha Kristof et Soljenitsine. La bourgeoisie a fait des créateurs parce que les enfants d'ouvriers n'avaient pas accès à la culture, à la pensée, il fallait bien que des écrivains viennent de quelque part. Non, vraiment ça me paraît un peu bébête comme à peu près tout ce que j'ai eu l'occasion de lire de Mauriac...
Rédigé par : mathieu | 23/03/2009 à 14:13
Waaaaaaah, j'aurais jamais cru que vous me répondriez sur ce coup là, et favorablement en plus.(je vais surement la regarder plusieurs fois cette émission).Pour ce qui est de la barbe poivre et sel, certaines stars restent sensuelles très longtemps (comme Robert Redford par exemple) Ca me rappelle quand j'étais toute petite, j'aimais beaucoup écrire. J'ai écrit à toute ma famille jusqu'au dernier cousin, et je me demandais à qui je pourrais bien écrire encore. Puis j'ai eu une révélation, j'ai demandé à mon père s'il connaissait l'adresse du président de la république et j'ai écrit au président : Cher VGE,
Est ce que tu es marié? Tu as combien d'enfants et d'autres questions du même acabit. Quelle ne fut pas notre surprise de recevoir quelques temps après une lettre officielle de l'élysée(ce qui nous valut longtemps l'admiration du facteur): la secrétaire répondait méthodiquement à toutes mes questions...
Rédigé par : ororea | 23/03/2009 à 16:04
Yasmine,
Alors mes excuses, aurais-je des problèmes de compréhension aujourd'hui...
trop d'insomnies sans doute, la faute à qui, ou grâce à qui, à la lecture pardi !
Je m'interroge, mes réactions sont certainement confuses. C'est indéniable, j'aime Ph. Sollers, mais j'aime tout autant J. Kristeva, pour Kristeva, pas madame Joyaux. Pour moi, elle n'est absolument pas "dormitive", elle est intelligente, discrète, elle prend soin des mots, je pense que ses étudiants ont bien de la chance.Une réflexion d'une telle fulgurance chez une femme me touche; Néanmoins, je ne peux pas m'accrocher à ses ouvrages la nuit. J'ai besoin d'un autre temps, d'un autre calme, (pourtant je sais lire n'importe où), méthode et clairvoyance, ne me font pas de mal, ça me recentre.
Ceci dit je ne suis pas insensible au charme de G. Clooney, l'odeur du "bon café" me ramène en Italie (ça commence à me manquer d'ailleurs).Je dépose le bel acteur dans votre sac et je retourne travailler, sinon insomnie garantie pour cette nuit!
C'est sans rancune pour le bug, j'espère !
P.S Peut-on lire Ph. Sollers avec le même regard, si on est un homme, ou si on est une femme ?
Rédigé par : Anne B | 23/03/2009 à 16:48
"le Capitaine aussi beau en noir qu’en poivre et sel"
Oui mais une chemise bleue ça illumine son sourire solaire.Il est encore plus beau.
La prochaine fois vous et Anne B pourrez choisir si vous voulez. Je prête mon éphèbe, euh Ephèfe.
Begbeider avait résolu le problème une fois, dans une émission littéraire, ils étaient tous à poil...A mon avis une chemise ouverte, c'est plus suggestif...
Rédigé par : ororea | 23/03/2009 à 16:51
ororea,
Merci, mais moi, je ne suis pas "fan", et je n'ai pas d'ascèse, vous pouvez vous consacrer exclusivement, à votre rôle de styliste, vous faites cela très bien !
Cependant j'espère un commentaire(s) de votre part demain, à propos de l'émission.
Rédigé par : Anne B | 23/03/2009 à 17:08
ororea,
Question épistolaire, je suis comme vous j'ai toujours aimé envoyer des lettres. Quand j'étais enfant, elles étaient pleines de mots, et de dessins, comme Mozart avec les notes...j'étais jalouse de Picasso...
Et puis ça s'étiole, parce que les gens qui écrivent, on a l'impression que c'est une race en voie de disparition...
Rédigé par : Anne B | 23/03/2009 à 17:22
Ouh la menteuse, elle est amoureuse (non, je déconne). Oui évidement que je vais commenter l'émission, ici et sur le forum d'asi...
Rédigé par : ororea | 23/03/2009 à 17:37
L’Italie, oui… Je ne sais pas si vous êtes italienne, Anne, mais moi qui le suis, pour une autre part eh oui, je n’en fichtre pas un mot hélas… Non, aucune rancune, mais de l’envie, ça oui ! Vous parlez italien, une des merveilles du monde…. Avec George Clooney. (Je radote je sais). Ceci dit, je me demande si monsieur Ferney, en parlant de “what else” et de son insomnie se doutait de la déferlante qu’il allait provoquer ! Quoique, Clooney a joué dans “En pleine tempête”, et s’est appelé “Ocean” dans “Ocean’s eleven” ! Du coup, ça me déculpabilise un peu. Et puis, excusez du peu, mais il a raflé toute la recette du Casino, quand même ! C’est pas rien, ça!
Rédigé par : Yasmine | 23/03/2009 à 17:58
FF est beaucoup plus beau que Georges Clooney qui est certes mignon...
Rédigé par : ororea | 23/03/2009 à 18:17
Yasmine,
c'est la séquence "humeurs", alors la déferlante, c'est plutôt sympa, non ?
Oui,la langue italienne est "une des merveilles du monde", le français aussi, et pour d'autres personnes, chantent des "tas" de "merveilles du monde".
Glooney, en "océan", en pleine tempête, ça doit être quelque chose...alors oui, une petite merveille aussi.
J'espère comme vous que le capitaine du bateau libre, ne va pas jeter ses matelots à l'eau, parce que je nage très mal!
Rédigé par : Anne B | 23/03/2009 à 18:37