28 avril
"Kafka, l'éternel fiancé" de Jacqueline RAOUL-DUVAL, Flammarion, 256 pages, 18 euros.
Voilà une étude, au sens de Chopin, plutôt qu'un "roman", quoi qu'on nous dise. Jacqueline Raoul-Duval a de l'expérience et du tact - du doigté - c'est le genre qui l'exige! Avec cela, outre sa connaissance intime de la correspondance de Kafka, l'auteur, avec une sensibilité exacte, c'est à dire exigeante, nous prouve ici qu'elle a l'art d'habiter en profondeur les silences dont il coiffait ses colères et ses "humiliations" avant d'en faire des livres. C'est pour moi une dame inconnue qui parle de Kafka comme si elle l'avait aimé, comme de quelqu'un qui serait son frère ou même un fils. C'est pourquoi on l'écoute, même si elle n'est pas dupe et avoue ses propres fragilités qui sont un peu l'écho des siennes.
De 1912 jusqu'à sa mort en 1924, lancé à corps perdu dans une entreprise obscure et désespérée - qu'il appelle à juste titre: la littérature - Kafka tente, avec la même ardeur austère et sans remède, de trouver l'âme soeur. En vain. Sous le titre "Kafka, l'éternel fiancé", l'auteur nous conte dans l'allure d'un calvaire éperdu, et presque risible par endroits, cette quête d'un amour impossible. Félice, Julie, Milena, Dora... Ces ombres ne forment dans sa courte vie qu'une procession lente de crises nerveuses, de tourments, d'idylles avortées, d'émois platoniques, de fiascos, de fuites.
Kafka a-t-il pressenti que ses échecs amoureux lui servirait de fumier pour ses roses? A-t-il, à la manière de Proust, confusément deviné que ces ratages, ces douleurs, ces peines d'amour perdu, c'était du petit bois pour allumer son feu créatif? Et que l'oeuvre future est, quoi, une autre vie - une revanche contre la vie, la vérité même de la vie? Tant il est vrai qu'un vieux gredin subsiste dans le coeur de l'artiste le plus pur, le plus dénué!
A son meilleur ami, Max Brod, Kafka confie (en 1921): "Il ne m'est possible d'aimer que si je peux placer mon objet tellement plus au-dessus de moi qu'il me devient inaccessible". Ce n'est pas une pose. C'est l'aveu d'un saint ou d'un fou. On n'aime pas une femme si on n'est pas capable de lui mentir! Lui ne sait pas, il croit à la vérité, toute la vérité, comme un enfant. De l'amour, il ne connaît que la fidélité, comme un chien. Mystique, il réfute tout ego et se prive d'images. Il va jusqu'à écrire avec calme cette phrase insensée sous la plume d'un écrivain: "Je n'ai que très peu de ressemblance avec moi-même"! Kafka semble vouloir tout élever de ce qu'il rêve, de ce qu'il touche, en même temps qu'il s'accable, s'enfonce, s'abaisse, invinciblement. Et il est, sur ce chapitre, cela va de soi, d'une sincérité absolue.
On hésite parfois entre le rire - une sorte d'esclaffement sec - et l'effroi devant ses lettres d'amour meurtrières à Felice Bauer, pâle brebis offerte au couteau, prête au sacrifice, à qui il promet le pire si elle l'épouse. Elle le rassure en tremblant: "Oui, tu seras un gentil mari". Il lui rétorque sans égards, sans pitié envers elle ni envers lui-même, avec une sauvage innocence: "Tu te trompes, tu ne pourrais pas vivre deux jours auprès de moi. Je suis un mou rampant sur le sol; je suis taciturne, insolent, triste, bougon, égoïste, hypocondriaque... Je passe la majeure partie de mon temps enfermé dans ma chambre, ou bien je cours les rues tout seul. Supporterais-tu d'être complètement séparée de tes parents, de tes amis, et même de toute autre relation, puisque moi je ne puis absolument pas concevoir la vie commune autrement? Je veux éviter ton malheur, Felice, sors du cercle maudit où je t'ai enfermée, aveuglé comme je l'étais par l'amour". Par deux fois, il rompt ses fiançailles avec la jeune Allemande avant de s'échapper définitivement.
C'est à Félice pourtant qu'il a écrit ceci: "Depuis le soir où j'ai fait votre connaissance, j'ai le sentiment d'avoir un trou dans la poitrine par où tout entre et sort, comme aspiré hors de moi". Avant d'ajouter - de quoi rendre jalouses toutes les égéries, de Laure de Noves à Louise Colet! -: "Vous êtes intimement liée à la littérature", comme s'il n'y avait pas d'autre façon pour lui de nommer le désir.
Jacqueline Raoul-Duval nous montre enfin comment Franz, atteint par la tuberculose, se sert de sa maladie comme d'une arme. C'est au fond un alibi providentiel qui lui permet de fuir ce qui l'étouffe: Prague - épouser une Pragoise, ça jamais! -, l'infortunée Felice et tous les siens. Au sanatorium, il fera la connaissance de Julie Wohryzek, "guère moins insignifiante que cette mouche qui vole vers la lumière". Il la demande aussitôt en mariage. Encore une absurdité. D'où lui vient cette soudaine ardeur à se déclarer de nouveau? Est-ce seulement pour se conformer à la loi talmudique qui condamne le célibat sans rémission? S'agit-il de se sauver ou de se perdre? Au moins, cette fois, l'aventure sera brève.
Plus tard, en 1920, il rencontre dans un café de Prague une jeune fille qui souhaite traduire ses livres en tchèque: Milena Jesenska. Elle allie le charme et l'intelligence, elle est dans le plus bel âge de la vie. Voilà enfin une femme qui respire à sa hauteur et qui va le comprendre, s'il te plaît, mein lieber Franz! Peines perdues. Il se croit séduit, il est subjugué par une âme plus forte et plus libre mais il reste son seul et unique tyran, rivé à la passion jalouse qui le dévore en dedans. Qui d'autre que lui oserait dire à celle qu'il aime: "L'amour, c'est que tu sois pour moi le couteau avec lequel je fouille en moi"! Une sorte de terreur aveugle s'insinue malgré lui dans leur correspondance. Il doit fuir encore.
Kafka va partager un ultime rêve avec une autre très jeune fille: Dora Diamant. Sait-il qu'il n'a plus qu'une année à vivre? A-t-il vraiment songé à partir en Palestine avec elle et, pourquoi pas, à ouvrir un restaurant là-bas?... Les dernières pages du livre de Jacqueline Raoul-Duval sont imbues d'un charme pâle et lacunaire, un peu phtysique, tchékhovien, qui serre le coeur. Avant de mourir, Kafka trouve encore la force d'écrire quelques mots comme on jette des cailloux dans un puits, en pure perte: "Avez-vous un instant? Alors, s'il vous plaît, donnez un peu d'eau aux pivoines, elles sont si fragiles".
Tandis que je lisais ce livre noir et enchanté, un vers de Novalis, je ne sais pourquoi, ne m'a pas quitté: "Pour celui qui aime, la mort est une nuit de noces". Bien sûr que si, je sais pourquoi...
Mon cher Frédéric,
déambulant sur la "toile", je tombe en arrêt sur ton blog, je te lis avec plaisir & je t'embrasse!
Fr.
Rédigé par : Weyergans | 03/05/2011 à 08:17
Mon cher François,
Je te remercie. Moi aussi, je t'embrasse, amigo.
Fra.
P.S. Savais-tu que nous partagions, entre autres bizarreries, cette apocope sigillaire: "Fra"? C'est une amie commune qui me l'a dit. Tu devrais facilement deviner qui c'est..
Rédigé par : Frédéric Ferney | 03/05/2011 à 13:52
très bon site et j'aime beaucoup.
Rédigé par : chaussures mbt kifundo | 12/05/2011 à 08:42
Monsieur,
Vous revoilà !
Quel plaisir !
Vous nous aviez sombrement manqué...
Rédigé par : Alberte | 23/06/2011 à 16:08
the significance of the dcsoeiin "may be minimal because the issue was largely controlled by the Second Circuit's earlier opinion in a similar challenge to the policy." AUL notes that Judge Sotomayor also upheld the pro-life policy byrejecting claims from a pro-abortion legal group that it violated the Equal Protection Clause. "Rejecting this new argument, Justice Sotomayor wrote that because the challenge involved neither a suspect class nor a fundamental right," AUL notes. "She then acknowledged the ability of the government to adoptanti-abortion policies, noting, 'there can be no question that the classification survives rational basis review. The Supreme Court has made clear that the government is free to favor the anti-abortion position over the pro-choice position, and can do so with public funds.'" At the same time, Judge Sotomayor wrote an opinion overturning, in part, a district court's grant of summary judgment against a group of pro-life protestors. Though not concerning abortion policy directly, the case is viewed as a stand against free speech for pro-life advocates.
Rédigé par : Ursula | 27/05/2012 à 20:41
Hope you're right, Antigon, but NOW is launching an all-out push to get her cfirnomed. NARAL is more nuanced calling for a fair hearing and questions on Roe v. Wade. Does NOW know something? I can't imagine that Obama didn't get a promise of support for abortion. It's clear that's a litmus test. At any rate, she does appear to be a judicial activist who is willing to see an injustice in order to defend affirmative action promotions.
Rédigé par : mine | 27/05/2012 à 22:25
When I originally commented I clicked the -Notify me when new comments are added- checkbox and now each time a comment is added I get four emails with the same comment. Is there any way you can remove me from that service? Thanks!
Rédigé par : visit | 11/04/2013 à 09:57
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Rédigé par : enter site | 15/04/2013 à 10:17
Je suis d'accord avec ce qui a été raconté.
Rédigé par : katsuni | 27/04/2013 à 00:38
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Rédigé par : ルイヴィトン 人気 | 09/09/2013 à 05:18
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Rédigé par : Nike Air | 04/10/2013 à 15:36