10 mai
Lu: "Cher Monsieur Queneau. Dans l'antichambre des recalés de l'écriture" de Dominique Charnay, Préface de Pierre Bergounioux, Denoël, 300 pages, 25 euros.
C'est un livre amusant et cruel, avec un alibi documentaire à la lisière de la parodie ou du pastiche. Auteur d'un "Queneau et la peinture" (1), Dominique Charnay nous propose aujourd'hui un choix de lettres écrites - entre 1947 et 1974 - par des écrivains virtuels, qui n'ont en commun que d'avoir été éconduits par le Comité de lecture de Gallimard. Les lettres sont adressées à Raymond Queneau - autrefois responsable de la sélection des manuscrits dans la maison - dont l'ombre muette, implicite, rôde entre les lignes.
Rude métier! Avant de publier un livre, il faut d'abord "ouvrir les paquets, humer, trier, lire, relire, rédiger des fiches de lecture, rejeter ou retenir", note Dominique Charnay, qui nous révèle que, de 1917 à 1965, 7 579 ouvrages furent lus et répertoriés par Queneau, heureux inventeur de Duras, Vian et Le Clézio! On n'a plus ni l'idée de cette longévité, ni le sens de cet apostolat qui pousse l'auteur de "Zazie " à s'interroger sans se mentir (en 1954): "Qu'est-ce que je fous chez Gallimard?" Réponse: " Chez Gallimard, je gagne péniblement ma croûte".
C'est la "comédie littéraire" qui se dévoile, absurdement, dans ses marges, entre la farce, la dérision amère et le dépit. J'ai lu cet ouvrage comme on feuillette les "Caractères" de La Bruyère: il y a les furibonds, les hallucinés, les bonimenteurs, les lucides - aucun d'eux ne l'est vraiment! Il y a les désespérés - et ceux qui font semblant de l'être -, les pragmatiques ("Vous feriez une bonne affaire..."), les roublards - ils le sont tous, même les plus naïfs ou les plus sincères! Et puis, il y a les flatteurs, les vaniteux, les frustrés, les vindicatifs. Tous brûlés par la passion d'écrire et surtout de se voir publiés, merci mon Dieu, à la Nrf ! Au vrai, tous des emmerdeurs!
Il y a ceux qui se courbent, ceux qui s'abaissent, ceux qui se vantent ("Mon travail tout d'imagination persuasive et d'observation parfois mordante..."), ceux qui s'impatientent("Pourtant, Gallimard en publie des fadaises!...") et ceux qui, à bout de nerfs, optent pour l'insulte ou la menace. Il y a encore les spirituels: "Cher Monsieur Queneau, Voici le manuscrit dont je vous ai parlé. C'est un noeud avec lequel j'ai bien failli m'étrangler, et que vous saurez, vous, dénouer mieux qu'un autre..." Il y a les niais: "Monsieur, J'aimerais savoir si le produit de mon imagination est mauvais, très mauvais, bon ou moyen". Les candides: "Un prix littéraire (petit) me comblerait" ou bien: "Je vous écris à dessein sur ce papier à en-tête afin de vous montrer que je ne suis pas un plaisantin". Ha! On imagine ces deux-là sous les traits d'un petit monsieur qu'aurait crayonné Sempé, notre moraliste le plus tendre et le plus féroce.
Le livre est précédé d'une brève méditation de l'ami Bergounioux sur le "persistant mystère" qui préside à l'invention de la littérature, les faux-bonds de l'histoire littéraire et les aléas un peu ironiques de la postérité. Visiblement, ça l'enquiquinait de devoir écrire trois feuillets sur ces lettres de quidams: il écrit à côté, mais finalement il touche juste.Que les "Mémoires" de Saint-Simon aient été enfermées dans une cave par le ministre Choiseul pendant plus d'un siècle, que Voltaire doive son renom à ses contes, écrits hâtivement à la fin de sa vie, et à son rôle d'intellectuel engagé plutôt qu'à ses immortelles tragédies, que les oeuvres de Pascal n'aient été en partie que "des pages lacérées enfouies dans un tiroir" ou "des bouts de papier cousus dans un pourpoint", quelle ironie! C'est plutôt cela qui, froidement, l'excite.
Ce qui le fascine, et il n'a pas tort, c'est "l'incertitude où naissent les livres". Ce recueil, au fond, est peut-être moins léger qu'il ne semble. Sous ses dehors bouffons, il pose l'éternelle question: qu'est-ce que la littérature? Quelle est cette chose que nous sommes encore quelques-uns à chérir et qui nous fait battre le coeur à une vitesse exagérée?
Mais Queneau, dans l'affaire? On tarde à y venir car, n'étant ici que récepteur ou dédicataire, il brille par son absence, si ce n'est dans le titre. Pourtant, ce qu'on lit sous des plumes diverses lui ressemble insensiblement. On finit par se demander si ce n'est pas dans ces exercices de style, écrits par inadvertance, qu'il a fait provision d'histoires et aiguisé sa langue, à la fois polie et coupante. "Braves gens, les héros de ses romans, note Dominique Charnay, sont souvent, soit des gens que leur intelligence préserve de s'ennuyer mais ne protège pas d'être mélancoliques, soit des imbéciles aimables qui sont pauvres d'esprit mais riches d'innocence". Dur mais vrai.
En lisant certaines de ces suppliques, on a du mal à contenir un esclaffement sec et peu charitable, comme devant un miroir où l'on devine une image de soi, effarée et misérable, qu'on repousse avec effroi.
(1) Buchet-Chastel, 2003.
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Rédigé par : Rhina | 30/05/2012 à 09:19
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Rédigé par : hunter neoprene wellies wellies for kids | 10/09/2013 à 20:26