22 janvier
Un homme s'assit dans le métro à Washington et se mit à jouer du violon; c'était un matin froid de janvier. Il joua six morceaux de Bach pendant environ 45 minutes. On a calculé que pendant ce temps, à une heure d'affluence, plusieurs milliers de voyageurs avaient traversé la station, la plupart d'entre eux pour se rendre à leur travail.
Au bout de trois minutes, un homme d'âge moyen remarqua qu'un musicien était en train de jouer. Il ralentit le pas quelques quelques instants puis s'empressa de rattrapper le temps perdu.
Une minute plus tard, le violoniste reçut son premier pourboire: une femme jeta un dollar devant lui, sans ralentir, tout en continuant à marcher.
Quelques minutes plus tard, quelqu'un s'adossa au mur pour l'écouter: il regarda sa montre puis reprit sa marche, étant visiblement en retard à son travail.
C'est un petit garçon de trois ans qui fut le plus attentif. Sa mère était visiblement pressée mais l'enfant voulut s'arrêter pour regarder le violoniste. La mère le tira par la main et l'enfant se remit à marcher à contrecoeur, en gardant la tête tournée en arrière. Le même phénomène se répéta avec plusieurs autres enfants. Tous les parents sans exception les forcèrent à avancer.
Pendant les 45 minutes où le musicien jouait, seulement 6 personnes s'arrêtèrent pour l'écouter quelques instants. Une vingtaine d'entre eux lui donnèrent un pourboire tout en continuant à marcher normalement. La recette fut de 32 dollars. Quand il s'arrêta de jouer et que le silence se fit, personne n'y prêta attention. Personne n'applaudit ni ne manifesta un signe de reconnaissance.
Personne ne le savait mais le violoniste était Joshua Bell, l'un des plus grands musiciens au monde. Il avait interprété l'un des morceaux les plus difficiles jamais écrits, sur un violon d'une valeur de 3,5 millions de dollars. Deux jours plus tôt, il jouait à guichets fermés dans une salle de Boston où le prix moyen des places atteignait 100 dollars.
Ceci est une histoire vraie. On a fait jouer Joshua Bell incognito dans le métro dans le cadre d'une expérience conduite par le Washington Post sur la perception, le goût et les priorités des gens. Il s'agissait de savoir si nous sommes capables, dans un endroit ordinaire et à une heure inapproppriée, de percevoir la beauté. Est-ce qu'on s'arrête pour l'apprécier? Reconnaissons-nous le talent dans un contexte inattendu?
L'une des conclusions possibles à cette expérience pourrait être celle-ci: si nous n'avons pas une minute à perdre pour écouter l'un des plus grands musiciens du monde, combien d'autres choses ratons-nous?
Il nous faudrait un nombre infini de corps :
un corps musique, un corps peinture, un corps littérature,un corps aventure...
On s'habillerait de corps pour tout explorer,pour ne rien rater, pour ne rien oublier.
Les corps qui ne savent pas s'arrêter sont des corps perdus
Rédigé par : Anne B | 22/01/2009 à 00:00
J'adore cette histoire. Thanks.
Rédigé par : Vinvin | 22/01/2009 à 04:46
C'est incalculable. Que ce soit pour ceux qui courent pour leur travail ou pour ceux qui courent - ou ne courent plus - après un hypothétique travail, et des revenus - pas forcément venus - attendus (ou à flux tendus ?).
Bref, on se perd parce qu'on ne sais plus voir, sentir, goûter, toucher. On ne sait plus que courir après ce qui nous échappe.
Mais, est-ce si nouveau ?
Rédigé par : Claire Ogie | 22/01/2009 à 04:48
L'autre jour,
Madame Truc remplit un formulaire d'inscription.
Au lieu dit du nom d'immeuble, elle écrit "Château brillant".
C'est une anecdote. Il faut imaginer l'immeuble en question et le regard de Mme Truc... tout un poème.
(Et alors ?)
Vous allez dire que je suis encore hors-sujet pourtant, non.
Merci F.F.
Rédigé par : Alistrid | 22/01/2009 à 06:06
Les rares fois où je me suis servie du métro (rarement à Paris !) j'ai toujours beaucoup aimé cette musique venant de nulle part et selon le couloir emprunté se rapprochait jusqu'à la divine surprise de la découverte de l'acteur de cette musique. Je m'arrêtais ! Mais je n'ai aucun mérite, puisque j'étais de passage et n'avais aucune raison d'être pressé...
La musique vivante au cœur de la ville, quel beau programme cela pourrait-être.
Cette histoire est très belle et très triste à la fois...
Rédigé par : rocheclaire | 22/01/2009 à 07:37
Ces choses que l'on peut vivre lorsque l'on s'en donne la peine, lorsque l'on s'en donne le temps. Les découvrir tout d'un coup et puis surtout les faire partager à un ami...
Amelie Poulain nous parlait déjà un peu de ces moments-là ; tout comme Sam Mendes dans American Beauty :
http://www.youtube.com/watch?v=UDXjnW3nIWg&feature=related
Rédigé par : Valérie | 22/01/2009 à 10:13
On aurait pu prolonger l'expérience façon "Petit Prince". On se serait adressé à quelques personnes dans le couloir du métro pour leur dire : "Vous voyez le type là-bas? Il joue sur un insrument qui vaut 3,5 millions de dollars!" Pour Content-Type: application/x-www-form-urlencoded
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Rédigé par : Valérie | 22/01/2009 à 10:28
On aurait pu prolonger l'expérience façon "Petit Prince". On se serait adressé à quelques personnes dans le couloir du métro pour leur dire : "Vous voyez le type là-bas? Il joue sur un insrument qui vaut 3,5 millions de dollars!" Pour Content-Type: application/x-www-form-urlencoded
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Rédigé par : Valérie | 22/01/2009 à 10:29
On aurait pu prolonger l'expérience façon "Petit Prince". On se serait adressé à quelques personnes dans le couloir du métro pour leur dire : "Vous voyez le type là-bas? Il joue sur un insrument qui vaut 3,5 millions de dollars!" Pour que certains s'arrêtent et écoutent en disant : "Que c'est joli..."
Rédigé par : Valérie | 22/01/2009 à 10:31
Magistrale et terrifiante histoire qui a la force d'un apologue et dont la morale semble bel et bien être que nous devenons incapables d'apercevoir la beauté, de repérer sa présence, trop occupés que nous sommes à rester rentables, efficaces, utiles, productifs. Nous croyons vivre alors que nous passons à côté de l'essentiel. L'essentiel étant par définition inutile et pourtant indispensable. Parce que cet inutile donne sens à nos vies. N'est-ce d'ailleurs pas ce qui distingue l'homme de l'animal que cette aptitude à aimer le beau, à en rechercher la présence ? L'animal a-t-il jamais créé une oeuvre d'art ; a-t-il jamais été capable de l'apprécier ? Prenons garde, nous nous nourrissons, nous ne mangeons plus ; nous possédons mais nous oublions d'être. Nous consommons mais nous ne sommes plus en mesure de savourer la beauté gratuite, celle du monde, celle des autres, celle d'un virtuose qui joue dans un couloir de métro et dont les notes pourraient pourtant bouleverser sinon nos existences tout au moins l'une de ses journées...
Rédigé par : Franck Bellucci | 22/01/2009 à 12:28
Cette histoire me rappelle Smoke, de Wayne Wang et Paul Auster. Auggie photographie tous les matins à la même heure sous le même angle son quartier. Et il présente à son ami écrivain, Paul, les albums photos constitués au jour le jour. Le cheminement intellectuel est long avant qu'il ne comprenne l'intérêt d'observer les petits riens de ces clichés, en apparence similaires.
Rédigé par : miss glu | 22/01/2009 à 12:46
Je ne suis pas très convaincue. Il faut absolument qu'il recommence l'expérience, Gare du Nord par exemple. Je confirmerai l'heure exacte que je souhaite selon le jour de la semaine où il vient, mais l'après-midi de préférence, car dans le sens retour chez soi c'est mieux.
Rédigé par : mme petit poisson | 22/01/2009 à 12:53
par une journée de mortel ennui, où rien ne se passe, un corps humain connaît ceci:
70 000 milliards de cellules effectuent à chaque secondes, soit 86 400 fois dans la journée, 20 000 opérations chacune.
le nombre d'évènements arrivant dans une seule journée à un seul corps humain se monte donc à:
70 000 milliards x 86 400 x 20 000
vous voulez être attentif à tout, ff? ;-)
Rédigé par : gmc | 22/01/2009 à 13:14
UN VIOLON SOUS LA PLUIE
Sous la pluie continue
Les coureurs discourent
De manière discontinue
Portés par les flots verts
Qui nimbent leurs histoire
D'une aura tuméfiée
Dans la continuité de l'averse
Des peintres en bâtiment
Elaborent des architectures
De couleurs savoureuses
Mélangeant les pigments blancs
Sur l'écume ébrêchée par le vent
Rédigé par : gmc | 22/01/2009 à 13:22
Sans doute, infiniment de choses ; l'essentiel, du moins une part de l'essentiel car même pressé par le temps et les contingences, les soucis, il y a encore des beautés à nos portées, peut-être moins évidentes, ou relevant d'un autre lien que celui que le créateur crée entre son oeuvre et l'autre, relevant des émotions que provoquent les quotidiennes relations humaines, heureusement ! Elles ne sont pas toujours infimes ou moindre que ce qu'une image, un vers, un adagio peut susciter en nous. Je pense ausi à ce chanteur comorien entendu plusieurs fois dans le couloir du métro Montparnasse qui chantait avec coeur accompagné de sa guitare défoncée ; parfois, certains s'arrêtaient pour l'écouter.
De toute évidence les enfants ont plus de temps, de disponibilité, (et moins de charges que nous autres). Peut-être pas tous les enfants.
J'imagine cette personne saisie en entendant de loin les notes de ce somptueux violoniste et qui s'interrompt net dans sa course, sans discuter.
J'imagine celui qui perçoit la beauté mais qui ne peut se permettre d'arriver en retard à son rendez-vous, peut-être l'écoute-t-il jusqu'à ce que la rame l'engouffre. Peut-être le vibrato répercuté en lui a réveillé un monde ... une douleur connue ou inconnue.
Assurément les êtres sensibles auront besoin de ces haltes quand bien ils seraient obligés par nécessité de s'arracher à leur soif de beauté, leur besoin de la vivre, de la rechercher, aussi souvent que possible. (d'ailleurs ce n'est pas toujours dans l'attention excessive qu'on la remarque, parfois c'est quand on est dans l'expectative de rien de particulier)
C'est un genre de deuil renouvelé une trop faible présence journalière de beauté.
Car, comme suggéré, à quoi bon avancer si l'on ne peut s'arrêter, et, pis, si rien ne nous arrête ?
Est-ce que si plus de monde s'arrêtait, la face du monde en serait changée ? Je veux dire comment se fait-il que l'indéniable beauté ne transfigure pas le monde du fait qu'elle est ?
Rien n'est plus urgent que la beauté ! Ce qui revient à dire que rien n'est plus urgent que la vie.
Le hic ce sont les enseignes, trop de monde loge sous certaines qui sont invivables, où il n'y a pas de place pour la beauté cependant que, sans exception, elle manque. Même la mer, à certains hommes qui triment en bord de mer, manque. Les poètes (dans tous les arts) s'évertuent, entre autre, à traduire, de ceux qui n'ont pas le luxe de s'arrêter ou de percevoir : le " vague et sourd murmure du coeur" et leur cri. Cependant, je ne crois pas qu'il y ait de personnes "communes" que la beauté ne saurait atteindre, je pense que n'importe quel homme, pour une raison ou pour une autre privé de sensibilité, pour peu qu'il rencontre une implication en vis à vis peut s'ouvrir à ce qui est beau et découvrir qu'elle lui est essentielle.
Rédigé par : ardente patience | 22/01/2009 à 13:35
(cette relation, i mean)
Rédigé par : ardente patience | 22/01/2009 à 13:38
Frédéric,
pardonnez l'intrusion... Je me permets de vous transmettre ce petit message personnel de la part de Graziella Galvani qui est à Paris jusque samedi 24 inclus et qui aimerait beaucoup vous rencontrer (ou pour le moins vous avoir au téléphone...). Pouvez-vous me contacter par mail (ou bien par téléphone?)
Florence
de la Libreria (librairie franco-italienne à Paris)
89 rue du fbg Poissonnière
Paris 9
01 40 22 06 94
Rédigé par : Flor98 | 22/01/2009 à 14:11
Fred-ami,
Je me suis amusé, voilà quelques années, durant un atelier d'écriture, à faire lire à un comédien professionnel (de la Comédie de Reims) une dizaines de textes ayant pour thèmes la littérature voyageuses. Cinq textes avait été choisi parmi des écrivains de référence (Nicolas Bouvier, Jean-François Duval, Raymond O'hanlon, Elwood Reid et Jacques Lacarrière) et cinq textes - de grande qualité - écrits par mes étudiants - niveau de bac + 2 à bac + , toutes sections confondus.
Après les lectures, le public invité, n'a pas su discerner les auteurs consacrés de ceux - peut-être - en devenir. Ce n'était pas un piège, c'étaient seulement dix belles voix.
Il n'y aucune analyse à ce témoignage exact, seulement des faits qui le sont tout autant...
Epilogue : Les invités ont été ravis ont ont souhaité que l'on renouvelle l'expérience.
Dis-moi si je peux "emprunter" ton texte et le déposer sur mon blog et sur l'autre (atelier d'écriture) en faisant un lien sur le tien, il s'entend, et si tu es d'accord.
Je t'embrase.
Eric.
Rédigé par : Eric Poindron | 22/01/2009 à 14:52
Et ce onte que je t'avais envoyé à Noël...
Un soir de décembre, Marc Chagall s'est mis à lire, à haute voix, ses mémoires à venir, dans un estaminet famélique de Vitebsk. Un violoniste est monté sur le toit dudit estaminet et s'est mis à faire danser les flocons de neige.
(...) puis, presque flocon à son tour, le violoniste s'est envolé...
Maman... je voudrais être peintre.
(...) Tu le vois, maman, suis-je un homme comme les autres...
Amitiés.
Eric
Rédigé par : Eric Poindron | 22/01/2009 à 15:06
"Ma Vie" toujours...
"Je ne voudrais pas être pareil à tous les autres : je veux voir un monde nouveau".
En réponse la ville paraît se fendre, comme les cordes d'un violon, et tous les habitants se mettent à marcher au-dessus de la terre, quittant leurs places habituelles.Les personnages s'installent sur les toits et s'y reposent."
M. Chagall
(J'espère ne pas me tromper, ce sont quelques phrases logées quelque part dans ma mémoire).
Rédigé par : Anne B | 22/01/2009 à 15:54
J'espère que vous ne m'en voudrez pas (http://gilda.typepad.com/traces_et_trajets/2009/01/bach-in-ourselves.html#more), sinon j'efface aussitôt.
En fait le début m'allait alors je suis partie comme pour un jeu entre blogueurs qu'on appelle Les sabliers (http://www.kozlika.org/kozeries/post/2009/01/07/Sabliers-givr%C3%A9s) et d'ailleurs je ne suis pas la seule que l'amorce tentait
http://www.kozlika.org/kozeries/post/2009/01/22/Combien-d-autres-choses-ratons-nous
PS : commentaire effaçable, je suis passée par là parce que je n'ai pas trouvé d'adresse "contacts" pour demander si ce recyclage sauvage ne vous dérangeait pas.
Rédigé par : Gilda Fiermonte | 22/01/2009 à 16:54
"Frédéric,
pardonnez l'intrusion... Je me permets de vous transmettre ce petit message personnel de la part de Graziella Galvani qui est à Paris jusque samedi 24 inclus et qui aimerait beaucoup vous rencontrer"
C'est qui cette Graziella? Et qu'est ce qu'elle a de plus que moi? Je voudrais m'inscrire sur la liste d'attente pour rencontrer FF, quand je serai guérie (c'est estimé vers janvier 2010)sauf si entretemps j'ai viré fan de Luchini évidemment.
Rédigé par : ororea | 22/01/2009 à 17:01
Le musicien de rues est comme l'écho dans les montagnes; et plus les rues rétrécissent plus l'écho est retentissant...Avez-vous vu comme les oreilles des oiseaux penchés sur les fils prennent des airs d'éventails !
Rédigé par : Sylvaine | 22/01/2009 à 18:21
Etant donné que l'infrastructure détermine la superstructure...
Rédigé par : Christophe Borhen | 22/01/2009 à 20:26
Etant donné que l'infrastructure détermine la superstructure...
Rédigé par : Christophe Borhen | 22/01/2009 à 20:26