10 janvier
La nuit dernière, je suis réveillé en sursaut par un fracas, à l'autre bout de l'appartement. Un voleur? Non, je sais, c'est une avalanche... Une haute pile de livres s'est effondrée dans le couloir. C'est un risque saisonnier. J'enrage, je rempile, je baille; je tombe par hasard sur un exemplaire jauni de "Pompes Funèbres" (1947) de Genet, tiens! je l'ai cherché partout l'autre jour, je croyais l'avoir donné ou perdu.
J'ouvre, je lis: "On me dit que l'officier allemand qui commanda le carnage d'Oradour avait un visage assez doux, sympathique. Il a fait ce qu'il a pu - beaucoup - pour la poésie. Il a bien mérité d'elle". J'arrête de bailler. Je poursuis: "Je me suis voulu traître, voleur, pillard, délateur, haineux, destructeur, méprisant, lâche. A coups de hache et de cris, je coupais les cordes qui me retenaient au monde, parfois j'en défaisais méthodiquement les noeufs". J'avais souligné jadis ces deux phrases, je les avais oubliées... Avec Genet, on n'est pas au Flore! Un provocateur? Même pas! Il veut dire la vérité, il la dit. Il vous mord, vous êtes foutu. Un scélérat. Le plus pur des scélérats.
Pas question de se rendormir. J'avale un verre d'eau glacée, j'allume une clope, pas très raisonnable à quatre heures du matin mais il le faut. Au fond, Genet nous épargne l'injure en la prenant de court. C'est le seul exemple - avec Sade peut-être - d'un écrivain absolument irrécupérable. Maudit, médisant, intact. Un paria en prose. Sartre échoua même à le transformer en martyr, en pieux scélérat sanctifié par ses forfaits. Comment suivre Genet, se réclamer de lui, devenir son émule, sans sombrer dans l'abjection ou dans le ridicule? C'est sa seule vertu: il est le contraire d'une idole. Il a tout fait, instinctivement et méthodiquement, pour déjouer toute obédience, tout ralliement, à sa cause. A côté de lui, Céline paraît enfantin, candide.
Reste cette construction de soi, cette fiction de langue souveraine jusque dans l'infamie, ce feu précieux et glacé. "Une Mademoiselle de Scudéry du bagne", disait Nimier. La langue plie, rue, s'agenouille, qu'y faire? D'accord, son théâtre est daté, sectaire, sulpicien: tous ces larrons, ces macs taillés dans des archanges, ces fausses madonnes, la barbe! Mais le reste du temps, il vous mène par le bout du nez et vous entraîne au diable en usant de tous les ressorts de sa grâce inouïe, ignoble, grammaticale.
Encore ceci, toujours dans "Pompes Funèbres":
"Je posai le canon de mon revolver sur sa bouche entr'ouverte qu'il referma.
- Je te dis qu'il est chargé. Suce.
Il ouvrit la bouche où j'introduisis l'extrémité de l'arme. Je chuchotais à son oreille:
- Mais suce. Tu ne suces pas. Suce-le, petite salope.
Sa fierté le durcit, il resta immobile, impassible.
- Alors?
J'entendis le bruit de ses dents sur l'acier. Il regardait la Seine couler. Tout son corps devait attendre la foudre qui nous tuerait, la romance fredonnée qui me distrairait, l'aigle charger de m'emporter, le flic, l'enfant, le chien.
- Suce ou je tire".
Ca vous plaît? Evidemment, à côté de la "poésie" inhérente au SS, ce n'est qu'une paille, une bagatelle. Le mot préféré de Genet, c'était, vous savez quoi? La délicatesse. Dur à avaler, non?
http://www.youtube.com/watch?v=fpuVTzeXzMY
Rédigé par : Alistrid | 10/02/2009 à 06:35
http://www.youtube.com/watch?v=5njWAq4Qq3k
Rédigé par : Alistrid | 10/02/2009 à 06:48
Oui, ça me plaît.
Vous écrivez : " C'est le seul exemple - avec Sade peut-être - d'un écrivain absolument irrécupérable. "
Je dirais plutôt " absolument infalsifiable. "
(merci pour cette nécessaire insomnie)
Rédigé par : Christophe Borhen | 10/02/2009 à 07:05
Pas étonnant que ce bouquin ait malmené la pile sous laquelle il était caché...
Jean Genet est fascinant.
Rédigé par : miss glu | 10/02/2009 à 07:58
Je connais bien ces avalanches de livres qui font rager, mais pour "les retrouvailles" c'est génial!
Un petit tour donc du côté de Genet(bien rangé, bien sage, c'est étonnant), puis immersion dans les pages venimeuses de "Pompes Funèbres".
Je cherche encore "la Délicatesse".
(Sage,mais que de gribouillages!).
Rédigé par : Anne B | 10/02/2009 à 08:19
Oui. Beaucoup. Presque à contrecoeur. C’est d’une violence tranquille, presque suave… Le style, peut-être, très dépouillé, et ce ton calme. Une violence qui ne paraît même plus contenue, mais parfaitement assumée, acceptée, comme quelque chose qui va de soi, tellement naturel.
Mais ce qui m’a plu aussi, c’est votre billet tout entier. On dirait un livre dans un livre, les phrases d’un autre harmonieusement mêlées aux votres, sans à-coup, sans rien qui heurte, ça coule, intimiste, feutré. Et c’est très beau. C’est complice aussi, ce moment vécu, que vous partagez, et que vous offrez.
Merci
Rédigé par : Yasmine | 10/02/2009 à 11:45
Je suis d'accord avec Yasmine, j'aime bien le roman dans le roman, la mise en abyme comme on dit...
Rédigé par : ororea | 10/02/2009 à 15:37
AU GRES DES VOGUES
Les pompes sont toujours funèbres
Pour les marcheurs du vent
Dont les fastes funéraires
Marchent sous les élans
Qui se laissent humblement pomper
Par le bout rouge incandescence
Des lèvres de la lune
Apposant des scellés
Ouverts par mégarde
Sur des perditions en des routes
Rédigé par : gmc | 10/02/2009 à 17:12
Peut-être qu'il a "délicatement" posé le canon de son arme chargée dans sa bouche ?
Rédigé par : Loïs de Murphy | 10/02/2009 à 17:56
Je confirme que chez Frédéric on peut aisément marcher sur les livres - et qu'il est capable d'allumer une cigarette en pleine nuit.
Quant aux écrivains innommables - les Maurice Sachs et autres - ils sont plus nombreux que les deux précédemment cités.
Eric
P.S. Faites comme moi, buvez du vin puis rangez vos livres dans les caisses à vin. Et surtout,, ne le répétez pas.
Rédigé par : Eric Poindron | 11/02/2009 à 09:49
Eric comment faites vous, il me faudrait trop de caisses, remarquez ça empêche peut-être ces petits malins de quitter l'étreinte de leurs alcôves en pleine nuit ?
Rédigé par : Anne B | 11/02/2009 à 11:20
Just A Song of Love...
http://www.youtube.com/watch?v=r_vL-t12S1Q
Rédigé par : Sylvaine | 11/02/2009 à 11:38
Pour tout vous avouer, cher Anne, j'ai bu beaucoup de vin, mais j'ai récupéré encore davantage de caisses. Je n'ai pas dis"prendre une caisse" ; aucune méprise.
Les cavistes connaissant mon vice impuni se font un devoir de conserver les précieux rangements.
Les caisses de vin semble avoir été conçues pour y ranger des livres - même des ivres sur le vin - enfin c'est ce que je crois.
Santé.
Eric
Rédigé par : Eric Poindron | 11/02/2009 à 14:16
Cher Eric,
J'ai tout de même oublié de vous avouez que je possède quelques caisses où sont rangés les CD,mais comme ils sont moins nombreux que les livres, leur minorité en fait des privilégiés, ils ont leurs petites maisons.Cependant l'ordre alphabétique n'empêche nullement, (comme pour les livres) les éventuelles discordes la nuit.
Rédigé par : Anne B | 11/02/2009 à 17:16
Ben j'ai honte, mais j'ai pour la première fois pensé/dégagé mes livres au lieu de les penser/classer. enfin ceux que je ne regretterais jamais et en fait il y en avait pas mal.
http://anthropia.blogg.org
Rédigé par : Anthropia | 12/02/2009 à 10:18
"Je confirme que chez Frédéric on peut aisément marcher sur les livres - et qu'il est capable d'allumer une cigarette en pleine nuit."
Ca sent jusque dans la chambre d'ami?
Rédigé par : ororea | 12/02/2009 à 18:56
Possible que Genet fasse tomber les piles de livres, quand il a un truc un dire.
Mais le coup des noeufs (à la coque) lui a cassé son coup, et l'image du ballon captif ou de la catapulte se dématérialise : voilà une belle omelette qui surgit.
A 4 h du matin, on a un petit creux aussi des fois.
Rédigé par : mme petit poisson | 12/02/2009 à 23:08
It was only after my mom died of colon cancer in 2007 that we diecvoersd the mutated CDH1 gene that caused my brother's demise at 37 of gastric cancer in 1988 and my own stomach cancers in 1992 (partial gastrectomy chemo and radiation) and 1997 ( TG) After much study Dr Huntsman confirmed a mutation that caused our HDGC. Now at least our other family members can be vigilantly screened. My mom's colon cancer was signet cell but we are unable to confirm that she too carried the mutation. Regretably my dad died in 2001 of complications of Parkinsons. This does really interest me because I have had a few colon screenings and had polyps removed each time.
Rédigé par : Eiko | 27/05/2012 à 18:20
What hell! :)I was just at their site yesterday loinokg to see if anything was up, but the last posting was about a recent get-together. It must have all been going down in realtime while I was just browsing.You know something, I told myself with a smile yesterday "when I find out, I'll hear it on WMTC first". A rare moment of clarity for me. :D Thanks, L.... must go read!
Rédigé par : sassa | 28/05/2012 à 10:56
I disagree with the above conmemt that murder is never beautiful. Death can be beautiful and therefore by extension so can murder. It's not a NICE thing but it doesn't mean it cannot be beautiful. Have you never seen American Beauty. A lame example but I suppose there aren't many.Also in Lord of the Flies, piggys death is described in such an amazingly beautiful way. Even though essentially all that happened was he was pushed and hit some rocks and died.
Rédigé par : Amit | 30/05/2012 à 06:41
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Rédigé par : kitchen scramble hack cheats tool free download | 16/11/2013 à 22:32
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Procedures to developing a cell phone game start by creating a plan,
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Rédigé par : blogspot.co.uk | 24/11/2013 à 04:40
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Rédigé par : turbo racing league wikipedia | 25/11/2013 à 20:33