25 avril
Lu: "Composition française. Retour sur une enfance bretonne" de Mona OZOUF (Gallimard).
Il court dans la première partie de ce livre une rumeur de préau d'antan, de sabots, de cloches. Mona Ozouf, née Mona Sohier, se souvient qu'elle fut une enfant triste et sage, et c'est magnifique de la voir vider son baluchon (elle adore ce mot), sans jamais s'apitoyer sur elle-même, s'attachant à démêler fièrement les fils de la mémoire et de la mélancolie: celle qui dit "je", celle qui dit "eux", celle qui dit "nous" - je simplifie, évidemment. Personne ne sait mieux qu'elle ce que signifie la concurrence des mémoires, et que l'Histoire, c'est encore une autre histoire!
Il y a dans l'historienne Mona Ozouf une conteuse celte qui s'enchante de ressusciter les âges et les lieux, et qui a lu Madame de Staël et Chateaubriand. Je veux dire que, sous sa plume alerte et parfois enchantée, les souvenirs, les odeurs, les chagrins mêmes, rêvent de devenir des pensées, deviennent des pensées. Mieux: des questions. Au fond de ces questions subsiste parfois l'ombre d'un soupir ou d'un sanglot d'enfant, et c'est comme si le plus affectif, le plus intime, était offert, donné en partage, au lecteur, pas malheureux non plus qu'on sollicite aussi sa faculté critique.
Livre chatoyant, composite, tantôt passionné, tantôt perplexe, toujours ressenti et argumenté. Je ne cache pas que je suis depuis longtemps un admirateur ardent de Mona Ozouf, à la fois de son travail et de son style, j'aime quand l'intelligence ne sent pas mauvais. Elle a, de surcroît, un très séduisant timbre de voix, un peu celui de l'ancienne ministre Michèle Barzach.
Dans ce qu'elle appelle "la scène primitive" de son roman familial, il y ce baiser qu'une petite fille de quatre ans dépose sur la joue froide d'un jeune mort: son père. Orpheline, Mona grandira entre sa mère, institutrice à Plouha, un gros bourg du Goëlo, au sud de Paimpol, et sa grand-mère: "A cet absent, tout concourt à donner une écrasante présence. Il est là, à la table carrée de la cuisine, dont ma mère, ma grand-mère et moi occupons trois côtés, et ma mère, à chaque repas, fixe la place vide. Il est là, sur le buffet, avec la photographie devant laquelle se règlent les menues incartades de mon enfance, censeur muet, d'autant plus éloquent. Il est là, et plus encore, dans la bibliothèque, avec, pieusement conservées, les livraisons du petit bulletin militant qu'il publiait à l'intention des instituteurs bretons. Il est surtout là dans les propos de ma mère, et dans sa légende de combattant de l'idée bretonne, née d'un itinéraire singulier, sur lequel je m'interroge toujours". Il est encore là, dans ce livre, comme une horloge muette qu'elle démonte amoureusement.
Mais qui était-il ce père? "Il était cet alliage étrange: un athée ami des prêtres, un individualiste syndiqué, un libertaire admirateur de Lénine, un nostalgique sans tendresse pour les nostalgies". Et comment ne pas lire le début de ce récit éperdu comme une Lettre au Père où l'historienne tente de comprendre les "croyances désaccordées" de son enfance bretonne?
Au-dessus de son berceau, trois fées furent invitées, qui se bouffèrent aussitôt le nez (et la coiffe): l'école, l'église, la république, chacune prétendant incarner la France en majuscule. On comprend mieux en lisant ces "Souvenirs d'enfance et de jeunesse" pourquoi la singularité française est un des thèmes qui affleurent dans presque tous les livres de Mona Ozouf, qu'elle parle des femmes, de Henry James, de l'école laïque ou de la Révolution. Cette singularité, cette "exception" (mais elle se défie de ce mot-là), elle l'incarne.
D'un côté, une France abstraite et sans odeur, à la Julien Benda, réfractaire aux tribus, aux jargons, aux idoles, avec une ambition grandiose et despotique. De l'autre, un pays enraciné dans ses particularismes, fier de sa diversité ethnique et culturelle. En quatre-vingt-pages, à la fin du livre, Mona Ozouf tente de réconcilier les contraires, ébranle nos certitudes partisanes et parvient à nous convaincre de rompre avec ce double-bind absurde et séculaire: ou l'universalisme ou le sectarisme! Et cela en quatre-vingt pages soudain précises et sèches, et terriblement actuelles.
Quand je lis Mona Ozouf, j'ai le sentiment que, dans sa vie, la politique et la poésie, ça se touche. C'est son côté celte. Ces gens-là veulent l'infini, disait Renan, si souvent cité dans ce livre; ils en ont soif, ils aiment l'aventure, la foi, les itinéraires magiques de la quête, jusqu'au bout du monde, jusque dans l'au-delà. Tout cela est tempéré, chez elle, par le goût de la verticalité grecque, plutôt réfractaire aux fumées. On a beau se sentir chez soi dans "Le Grand Meaulnes", aimer la brume et le vent, et revendiquer son blason de bigoudène, on n'arrache pas si facilement aux lumières apprises leur renom de clarté.
Aaaah on aime bien les Celtes finalement...Des infos pour mes fans (je frime...) : Moi chuis à moitié bigoudène; mon père est bigouden (ancien kiné) et ma mère de Cleder (infirmière).
Rédigé par : ororea | 25/04/2009 à 08:14
Pas de FF sur France Culture cet aprèm, on le retrouvera en mai :
samedi 16 mai 2009
> Emission du samedi 16 mai 2009
Portrait de l’artiste en hors-la-loi, de Fiona Capp (Actes Sud)
Journal 1973-1982, de Joyce Carol Oates (Philippe Rey)
Un don, de Toni Morrison (Christian Bourgois)
Fado, d’Andrzej Stasiuk (Christian Bourgois).
Avec Xavier Houssin, Frédéric Ferney, Min Tran Huy, Alexis Lacroix.
samedi 23 mai 2009
> Emission du samedi 23 mai 2009
Composition française, de Mona Ouzouf (Gallimard)
On dirait vraiment le paradis, de John Cheever (Joëlle Losfeld)
Intrigue à Versailles, d’Adrien Goetz (Grasset)
Le contraire de la mort, de Roberto Saviano (Robert Laffont).
Avec Frédéric Ferney, Nathalie Crom, Josyane Savigneau, Jean-François Colosimo.
Rédigé par : ororea | 25/04/2009 à 11:37
Je découvre votre blog.
Merci pour ce beau billet sur Mona Ozouf.
Rédigé par : Ambre | 25/04/2009 à 14:35
Minuit quinze : rien, les traditions se perdent. bah, il embrasse bien, regardez attentivement :
http://www.vsd.fr/contenu-editorial/en-coulisses/contrechamp/155-making-of-les-30-acteurs-cles-de-l-edition
Rédigé par : ororea | 26/04/2009 à 00:18
@ ororea Merci pour le calendrier et l'oeil aux aguets !
Rédigé par : Critiquator | 26/04/2009 à 06:57
De rien, il est mignon en rouge aussi. D'après mes infos, c'est Olivia de Lamberterie sur la vidéo, elle est pas moche...(le galopin)
Rédigé par : ororea | 26/04/2009 à 12:11
Il a encore disparu :
Por qué te vas?
http://www.youtube.com/watch?v=e5UxmVoBWNY&feature=PlayList&p=41457EC027F87A88&playnext=1&playnext_from=PL&index=21
Rédigé par : ororea | 26/04/2009 à 18:08
Minuit quinze : que dalle. Pour la peine, FF période hippie, tendance intello à cheveux longs :
http://www.youtube.com/watch?v=tUQMKEfUdK0
Rédigé par : ororea | 27/04/2009 à 00:19
@ ororea : FF c'est votre chanteur préféré ?
Rédigé par : Chr. Borhen | 27/04/2009 à 09:05
Chanteur, moui, comme Carla et moi présidente de la République?
Sinon, comme chanteurs, j'aime bien Gainsbourg, Chanfort, James Blunt...
Rédigé par : ororea | 27/04/2009 à 12:59
FF chanteur :
On me dit que nos vies ne valent pas grand chose
Elles passent en un instant comme fanent les roses
On me dit que le temps qui glisse est un salaud
Que de nos chagrins il s'en fait des manteaux
Pourtant quelqu'un m'a dit
Refrain
Qu'ororea m'aimait encore
C'est quelqu'un qui m'a dit que tu m'aimais encore
Serais ce possible alors
On me dit que le destin se moque bien de nous
Qu'il ne nous donne rien et qu'il nous promet tout
Parait qu'le bonheur est à portée de main
Alors on tend la main et on se retrouve fou
Pourtant quelqu'un m'a dit
Refrain
Qu'Ororea m'aimait encore
C'est quelqu'un qui m'a dit que tu m'aimais encore
Serais ce possible alors
Mais qui est ce qui m'a dit que toujours tu m'aimais
Je ne me souviens plus c'était tard dans la nuit
J'entend encore la voix mais je ne vois plus les traits
Elle vous aime, c'est secret, lui dites pas que j'vous l'ai dit
Tu vois quelqu'un m'a dit
Que tu m'aimais encore me l'a t'on vraiment dit
Que tu m'aimais encore serais ce possible alors
On me dit que nos vies ne valent pas grand chose
Elles passent en un instant comme fanent les roses
On me dit que le temps qui glisse est un salaud
Que de nos tristesses il s'en fait des manteaux
Pourtant quelqu'un m'a dit que
Refrain
Qu'Ororea m'aimait encore
C'est quelqu'un qui m'a dit que tu m'aimais encore
Serais ce possible alors
Rédigé par : ororea | 27/04/2009 à 13:18
S'il part en vac sans prévenir, le blog va vite être recouvert de tags et graffitis :
http://www.flickr.com/photos/chyara/496003115/
Rédigé par : ororea | 27/04/2009 à 18:30
Minuit quinze : nib, que pouic. J'espère que FF 117 n'a pas choppé la grippe porcine à force de partir en vadrouille et d'étreindre des demoiselles.
Rédigé par : ororea | 28/04/2009 à 00:19
@ Ororea : sauf votre respect - je suis sincère - et eu égard aux règles les plus élémentaires de la courtoisie, j'ose quand même vous dire ceci, tout en souhaitant, de manière immanente, que vous n'en preniez guère ombrage : vous m'énervez.
Rédigé par : Chr. Borhen | 28/04/2009 à 09:46
à Christophe Bohren :
J'adore !!!
Et je partage !
Et qu'est que c'est bien dit !
Amitiés camarade.
Eric Poindron, l'autre fantôme de l'opéra.
Rédigé par : Éric Poindron | 28/04/2009 à 13:58
BSC NEWS, Le magazine littéraire et culturel en ligne consacre, en partie, son numéro d' avril au phénomène "Littérature et Internet".
L'édition en ligne, la littérature et le numérique, les médias littéraire du web, la promotion des livres sur internet et les blogs littéraires, ... Faîtes un tour d'horizon en lisant les interviews de plus de 20 invités qui nous parleront de cette nouvelle vague.
On y retrouve aussi, d'après BSC News, des entretiens avec les bloggeurs littéraires les plus influents sur la toile française :
Frédéric Ferney - Le Bateau libre, Bartleby les yeux ouverts, Christian Cottet-Emard, Marc Villemain, Laure Limongi, lecabinet de curiosités de Eric Poindron, etc.
Pour découvrir le Magazine (gratuit) :
http://www.bscnews.fr/
P.S.
Cher Christophe Bohren, vous êtes strasbourgeois, donc, comme mon cher Sebastian Brandt ?
Eric Poindron
Rédigé par : Éric Poindron | 28/04/2009 à 14:00
Oh ! merci Eric Poindron pour ces informations, je viens juste de feuilleter ce magazine - mais dit-on encore feuilleter lorsque c'est du virtuel ? - je vais lire tout cela plus en détail. Instructif en tous cas, du peu que je viens de voir.
Et merci à vous deux messieurs (C.Borhen et E.Poindron), pour cette petite mise au point non négligeable, j'apprécie également.
Rédigé par : Claire Ogie | 28/04/2009 à 14:30
@Christophe Borhen : vous savez bien très cher que "la question du détonateur s'résout en un quart d'heure c'est de celles qu'on écarte", "soyons sérieux disons le mot c'est même plus un cerveau c'est comme de la sauce blanche".
Rédigé par : Beau Ris de Viande | 28/04/2009 à 15:09
Il est vrai que l'époque est à Boris Vian que l'on va "pléaïdisé...
Donc, il y a Claire, Beau ris de viande (ah ! ah !), nous autres et d'autres encore que je n'ose citer... Alors redevenons un peu sérieux. Chez Ferney, c'est un endroit bien tenu tout de même, et pas le prix de Flore !
Eric Poindron
Rédigé par : Éric Poindron | 28/04/2009 à 16:00
OK, toutes mes excuses, je disparais...
Rédigé par : ororea | 28/04/2009 à 18:46
Ororea,
Disparaître est peut-être beaucoup ; mesurez-vous plutôt.
Du reste FF - que j'ai eu cet après-midi au téléphone, vous reconnaît toutes les qualités que vous possédez. Ne transformons pas ce bel endroit en champs de mine.
Eric Poindron
P.S. notre ami commun travaille à sa future émission-télévision, vous vouliez de la littérature et de la conversation, c'est pour tout bientôt.
Pour les nouveaux, il existe "les amis du bateau libre" que l'on trouve facilement sur Internet.
Rédigé par : Éric Poindron | 28/04/2009 à 19:29
Je trouve les interventions d'Ororea très spirituelles, Ferney m'apparaissait coincé, grâce à elle il me parait sympathique et plein d'humour.
Rédigé par : Charon | 28/04/2009 à 20:58
Que serait FF sans Ororea? rien. Que serait Sisyphe sans son rocher? rien. Que serait-il sans la pente et la montagne? rien. Que serait Narcisse sans l'étang qui l'a engloutit? rien
Ororea, vous êtes le décor, la folie. Ororéa c'est grace a vous que FF a de l'intérêt. Vous faites de lui un personnage romantique. Mieux vous êtes romanesque, vous êtes fictive et de fiction, vous êtes gestes et signes, balbutiement et certitude. C'est grace a des personnages comme vous que la littérature existe. C'est grace aux personnages que les auteurs existent. C'est grace a votre feu que le charbon se forme. Ce charbon qui fait la pointe des crayons... avec lequel on écrit....
Rédigé par : artichaud | 28/04/2009 à 23:38
Ororea et FF. L'un lié à l'autre virtuellement, l'une se nourrissant du verbe de l'autre.
A chaque intervention d'Ororea, un humour et surtout un amour de la langue se fait jour.
Elle énerve ??? Et alors !!!
Un peu de créativité, d'imagination, de folie douce ne fait pas de mal
Laissons ses mots venir nous taquiner, histoire de nous amuser.
Rédigé par : parsifal | 29/04/2009 à 01:00
Christophe Borhen, Ororea vous énerve. Soit. Mais malgré votre empressement à user de toutes les politesses d'usage, il est évident – pour vous reprendre - qu'elle en a pris ombrage.
Quant à Eric Poindron, j'ignorais que vous faisiez office de censeur.
Je suis déconcertée devant vos propos et le ton presque enjoué qui les accompagnait. Et je trouve maladroit de préciser que vous avez parlé au téléphone avec F. Ferney, notamment d'Ororea, et d'évoquer par la même l'amitié qui vous lie. J'imagine le malaise qu'elle a du ressentir. La démarche est malencontreuse. J'ose espérer que ce n'était pas délibéré.
Il est vrai que c'est « un bel endroit » où même les désaccords ont toujours été abordés de manière respectueuse et courtoise mais je pense que vous avez été blessant, et c'est regrettable.
Rédigé par : Anne Burroni | 02/05/2009 à 01:12