"I am the wind" de Jon Fosse, texte anglais de Simon Stephens, mise en scène de Patrice Chéreau, Cour du Lycée Saint-Joseph, à 22h (jusqu'au 12 juillet). Surtitré en français.
Deux hommes sur une plage déserte. Ciel, mer, vent. Qui sont-ils? D'où viennent-ils? On ne le saura pas. Quelque chose a eu lieu, quelque chose de grave. "I did it... I didn't want to". Peu importe quoi mais ça pèse. Allez, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Mais non, ça ne finit pas, ça ne peut pas finir, ça recommence. Seul le présent existe. Il n'y a pas d'autre monde. C'est ici, maintenant, le monde. On se croirait chez Beckett.
L'un porte l'autre dans ses bras, comme un enfant mais c'est trop lourd. Ca aussi, ça pèse, un chagrin d'enfant, c'est une énigme. On en est inconsolable, on n'y peut rien. La joie, ça se partage. La douleur, non, c'est un bloc de néant. Une pierre qui vous écrase le coeur. Oui, on est dans "En attendant Godot", sauf qu'il n'y a plus rien à attendre. Les mots sont inutiles. Les deux héros ont perdu jusqu'à leur nom.
Ne subsistent que l'un et l'autre, comme chez Sarraute: "the One" (Tom Brooke) et "the Other" (Jack Laskey). Admirables interprètes anglais: dénués, vacillants, livides. Le désespoir en anglais, ce n'est pas philosophique, c'est sec, littéral, d'autant plus explicite.
Ils décideront quand même de partir, de prendre le large. L'océan est dans l'écriture de Jon Fosse, petit Homère nordique, épris des écueils et enclin aux périples. L'océan dit mieux l'absence, la séparation, l'oubli, à la faveur d'une odyssée minuscule. L'océan dit mieux le temps qui dort, le temps qui règne, et le monde est son rêve.
Chéreau compare cette idée du temps à la musique symphonique de Wagner où il est impossible, dit-il, d'identifier le saut, le passage, la rupture harmonique. Tout est de la même eau: vive, houleuse et dormante, en même temps.
J'ai cité Sarraute et Beckett. La pièce interroge la mécanique du langage, ce moment où quelque chose acquiert un corps, risiblement. Le texte anglais de Simon Stephens accuse cela, jusqu'au nonsense. Par endroits, on s'esclaffe. Le théâtre est ce lieu où l'on vérifie comment le sacré résiste au sacrilège. Ca reste sporadique. La révérence du public envers Chéreau empêche que ça éclate franchement.
To think, I was confused a mintue ago.
Rédigé par : Matty | 19/07/2011 à 10:38