5 janvier
Plus sur "Rêveries dans la ville" de Pierre SANSOT (Carnets Nord). Heureusement, je ne vous ai pas tout dit dans ma note parue il y a quatre jours par erreur. Promis, je ne le ferai plus!
Quand j'ai rencontré Pierre Sansot, en juin 1977, à Rome, il avait déjà publié "Poétique de la ville, en 1973. Je l'ignorais. Mon ami Christian Delacampagne, alors pensionnaire à la Villa Médicis, et qui tenait la chronique de philo du journal "Le Monde", m'en informa un peu plus tard. Sansot aurait pu me prendre de haut, jouer les divas. Au contraire, je me souviens de sa chaleur et de sa simplicité aggravées par son accent méridional, avec un soupçon de rocaille.
Il préférait utiliser le "nous" au "je", je l'ai dit. Il recourait aussi au "vous" pour impliquer le lecteur, comme Michel Butor dans son roman "La Modification". Exemple: "...Vous marchez au milieu d'animaux qui sont tous légendaires en vertu de leur beauté ou de leur densité d'être: les taureaux et les flamands de Camargue, les dauphins de Sète, la dorade royale, les mouettes de l'Adriatique, la rascasse marseillaise, la louve et les aigles romains, le grand sphinx de Gizeh... Vous vous arracherez à votre rêverie, vous entrez dans vos propres terres à la recherche d'une beauté plus âpre. Vous marchez dans les Corbières sans raison... le long des canyons encore sauvages, de chemins qui ne mènent nulle part sinon à une maison où l'on allume le feu parce qu'il commence à faire froid en cette saison". Inutile d'ajouter que ce qu'il appelle ici "vos propres terres" n'a rien de terreux, d'hérité, de seigneurial, c'est la contrée de votre coeur. Ce qu' il appelait aussi: "la France sensible"
Tout est là: la promenade, la solitude plénière, la rêverie. Sansot se sentait sans doute plus proche d'un berger sarde que d'un professeur à Columbia. Il est d'ailleurs peu connu en Amérique où il est loin d'avoir l'aura d'un Derrida ou d'un Lyotard. A sa façon, il a fabriqué des mythologies avec le préau et le jardin public, Narbonne et Marseille, la lenteur et le French flair (au rugby). Il était écologique, sans s'embrigader, sans en faire une idéologie, plus comme les américains Thoreau ou Whitman que comme Dominique Voynet. Devant la mer, entre Menton et Collioure, il se sentait fils et citoyen de la Méditerranée, garçon d'honneur et garde-côte à l'encre bleue.
Avec cela, il n'était pas de droite, n'en déplaise aux esprits simples, il était plutôt libertaire. Plus virgilien dans la ville que barrésien aux champs. Les collines inspirées, le rantanplan, les cocardes, ce n'était pas son genre.
Bonjour,
Je vous avais laissé un commentaire sur votre page d’accueil pour vous dire combien il serait agréable de vous revoir ou de vous réécouter bientôt. Je m’imagine que cela a dû vous laisser un peu perplexe, sur un blog consacré à la lecture.
Depuis, je viens de réaliser qu’au-delà du plaisir de vous écouter, il y a celui de vous entendre... en vous lisant… et je découvre que cela est loin de m’être moins agréable. Vous m’avez défintivement redonné goût à la lecture, merci.
Rédigé par : Valérie | 05/01/2009 à 01:01
Sansot de droite ? Ce sont les " gens de peu " d'esprit qui servent cette soupe.
Rédigé par : Christophe B. | 05/01/2009 à 07:05
Sansot de droite ? Ce sont les " gens de peu " d'esprit qui servent cette soupe.
Rédigé par : Christophe B. | 05/01/2009 à 07:05
Sansot de droite ? Ce sont les " gens de peu " d'esprit qui servent cette soupe.
Rédigé par : Christophe B. | 05/01/2009 à 07:06
J'ai eu le bonheur d'interviewer Pierre Sansot dans le cadre d'un festival Littéraire à Bédarieux en 1999 ou 2000, je ne sais plus. J'ai retrouvé, en feuilletant le livre de l'interview pour le prêter, une page dactylographiée d'un livre à paraitre chez Payot Chemins au vents, qu'il avait distribuée aux participants de la rencontre. C'était un homme délicieux, bavard (l'interview n'était pas facile, il partait dans tous les sens, sa femme dans la salle, m'encourageait pour le faire revenir sur le sujet de son livre.
Un homme remarquable de sagesse et d'humanité.
Voici le texte dactylographié :
"... Dès les premiers pas, je m'émerveille et je me félicite de tant de pouvoirs que je saurai recenser et dont je disposais sans très bien me rendre compte. Ils ne m'ont pas abandonné, ils ne se sont pas rouillés tandis que je demeurais inerte. Un gymnaste, un violoniste, une danseuse ont davantage lieu d'admirer un corps capable d'exécuter des gestes précis, intelligents, originaux mais ils ont eu à les acquérir au cours d'une longue patience. Les bienfaits de la marche, à vrai dire étonnants, puisqu'ils concernent muscles, nerfs, ligaments, articulations de toute sorte, un équilibre réservé et un déséquilibre utilisé à bon escient, me paraissent plus répandus accordés gracieusement à la plupart d'entre nous, sur un mode en quelque sorte démocratique.
Oserais-je de surcroit exalter, les vertus de l'insouciance de la marche dans une société où l'on exige de nous plus d'application. L'inconscience heureuse que j'évoque ne se confond pas avec l'irresponsabilité. Elle désigne un corps qui se tire à merveille de la tache qu'il s'est, que nous lui avons proposée. Il se montre assez bon joueur, assez bienveillant pour ne pas nous impliquer dans le jeu habituel des délibérations, des arbitrages, car il faut bien toutefois, que les organes s'entendent entre eux pour nous permettre d'avancer.
La marche, une expérience de paix intérieure. D'abord, je me suis détourné des chimères, des illusions batailleuses, des espoirs insensés et promis à l'échec qui m'assaillent tant que mon corps n'a pas obtenu sa ration de mouvements. Sur un mode plus positif, je suis en accord avec moi-même. Je ne cours pas après le bonheur, il m'accompagne.
L'exercice le plus simple m'apparait risqué et c'est encore une preuve de bienveillance de mon corps de passer sous silence les difficultés (mais alors, nous n'avons pas tout à fait conscience de la manière dont un être en mouvements se métamorphose tandis qu'il multiplie les cas de figure, les postures, les ruptures d'équilibre). Je redoute qu'un jour, un tel bonheur une telle maitrise me soit refusée. Pour descendre un escalier un peu raide, il me faudra mettre un pied devant l'autre, considérer la marche à venir, me tenir avec quelque raideur à la rampe. Aujourd'hui, par chance, je surmonte le vertige de la spirale. Mes yeux, malgré la distance, s'élancent jusqu'à toucher le prochain palier et mes pieds ont une vue précise de la surface, du degré d'inclinaison des marches. Une telle collaboration m'enchante. Mon regard à le pouvoir de toucher et mes pieds savent voir. Peut-être un jour mes yeux sauront-ils que voir et mes pieds que toucher..."
Pierre Sansot Chemins aux vents. Payot 2000.
Rédigé par : rocheclaire | 05/01/2009 à 07:30
"Je ne cours pas après le bonheur, il m'accompagne."
Une bien jolie phrase en même temps qu'un bel art de vivre.
"Les gens de peu", une lecture qui m'a aidé à me réconcilier avec une part de ma vie. Ce n'est pas rien, un tel livre !
Rédigé par : Jean-Louis B. | 05/01/2009 à 08:38
Merci à Rocheclaire de nous offrir ce beau texte où je retrouve le Sansot que j'ai connu: Pierrot marcheur, et beau parleur, avec une pointe de romarin dans l'accent. C'est vrai qu'il était bavard, impétueux, tirant sur sa laisse, dans la conversation, comme un jeune chien fou. Ce n'était pas un philosophe assis, plutôt un poète de grands chemins, capable de s'émerveiller devant les petites choses en faisant du bonheur une activité pure et simple, un éveil à soi et au monde.
F.F.
Rédigé par : Frederic ferney | 05/01/2009 à 08:52
RASE DE FRAIS
Les sarments blancs d'écologie
Aux teintes entre bleu et vert
Réjouissent les adorateurs
Du feu et des bûchers
La poésie brûle les villes
Jusqu'au troisième degré
Les moellons disgracieux
Font partie des décombres
Ruines que relèvent
Des pastoureaux hilares
Transmutant le n'importe quoi
En fêtes de n'importe qui
Rédigé par : gmc | 05/01/2009 à 09:00
Le seul roman écrit par Pierre Sansot et pour lequel il n'était pas satisfait, (il disait de lui qu'il était un mauvais romancier) : "Il vous faudra traverser la vie" chez Grasset. 1999
Extrait de la 4e de couverture : "On nous apprend à nager, à escalader, à sauter les haies, à descendre des torrents, à danser sur les valses à trois temps, à voguer dans les airs en chevauchant un deltaplane. Mais nul ne nous enseigne à traverser l'existence..."
Pierre Sansot doit aujourd'hui parcourir de long en large la voie lactée ! Du moins je lui souhaite...
Rédigé par : rocheclaire | 05/01/2009 à 09:25
Irrésistiblement je pense à Fargue de Paris à Rome et "Que chaque mot qui tombe soit le fruit bien mûr de la succulence intérieure" "Je ne suis pas partisan, je ne suis pas milicien, à peine poète. Je ne suis qu'un homme qui veille dans son phare"
De lui je retiens encore ce petit sourire "Le plaisir, avant de constituer un repliement sur soi, apparaît comme une ouverture à l’autre et cette altérité toutes sortes de formes :
celle d’un fruit, d’un sourire d’enfant, d’un infléchissement de la nature, d’une poussée de notre propre corps."
Merci encore un vingt-huit-tard...qui n'est, grâce à vous, pas perdu dans la Galaxie.
PS : mode d'emploi pour enregistrer un commentaire dans typepad.
1. Se relire...j'ironise...dans Aperçu
2. Déposer parcimonieusement les chiffres ou et lettres encadrées...dans le petit cadre en dessous.
Répéter si vos lunettes sont mal ajustées...même processus et mimétisme.
3. Courage, l'ère de la poste pneumatique est révolue...tant pis pour les lapsus du clavier, l'essentiel est de lire et :
Envoyer-Poster (En Gras sur l'Ecran)
Rédigé par : Sylvaine V. | 05/01/2009 à 12:26
Je me suis mal relue...l'altérité prend (souligné) toutes sortes de formes :-) pas facile d'écrire dans un écran !
Rédigé par : Sylvaine lapsus | 05/01/2009 à 12:33
Pardonnez-moi, mais relisant le texte transmis de Pierre Sansot, je relève deux fautes : "je me félicite de tant de pouvoir que je ne saurais..." Plus loin "un équilibre préservé".
Voilà je crois avoir fait le nécessaire.
Rédigé par : rocheclaire | 05/01/2009 à 14:17
J'ai montré ce blog à un ami de 33 ans en lui disant que j'étais fan. Il est belge et ne regarde pas les chaines françaises. Sa réaction : oh là là, il est vieux! Il a au moins 40 ans!
Rédigé par : ororea | 05/01/2009 à 21:47