"Mademoiselle Julie" d'August Strindberg, mise en scène de Frédéric Fisbach, Gymnase Aubanel, à 18h, jusqu'au 26 juillet, (à 22h, les 15, 16, 18 et 19 juillet).
Non, je ne suis pas grincheux mais cessons d'être hypocrites: rien ne va dans ce spectacle! Rien ne va, sauf Binoche (Julie) qui parvient en de trop rares endroits à nous émouvoir en puisant dans son instinct et dans ses larmes des moments de fragilité - épuisée qu'elle est, ça se sent, par ce marathon, cette épreuve: seize représentations d'affilée, outre le tournage d'un film sur cette aventure théâtrale, avec Nicolas Klotz, pour France 2 et les retouches imposées chaque après-midi par Fisbach - un extrémiste, ça commence à se savoir.
Pour commencer, Fisbach met un couvercle, un écran, des panneaux de verre, entre les comédiens et nous; il enferme la plus jolie pièce de Strindberg dans une boîte toute blanche. Pourquoi? Il a peur qu'on pleure, qu'on se salisse, qu'on se brûle? Parenthèse: dans le ventre de Moby Dick, avec le peintre Ryman ou les Venises de Strehler, on est d'accord, on n'évite pas la blancheur. Mais là, franchement - je sais, c'est affaire de goût mais quand même! - on est dans le rouge, on devrait y être, non? La robe de Melle Julie, les feux de la Saint-Jean, le feu aux joues du valet qui en pince pour la fille de son maître. Oui, on devrait être dans le cramoisi, dans l'écarlate, dans le rubescent du désir, comme dans un conte de Barbey, comme dans la grotte d'Antigone réinventée par Henry Bauchau. On n'y est pas du tout. On n'a pas voulu (pour éviter le cliché sans doute). On a préféré faire des acteurs un banc de poissons dans un aquarium. Passons.
Le problème, c'est Jean le valet, joué par Nicolas Bouchaud. Lui aussi, comme Juliette, il est épuisé, en nage, livide. Cet excellent comédien (qui fut Lear et Galilée avec Sivadier, et qui fut tant aimé de Didier-Georges Gabily, notre Rotrou post-moderne, notre Robert Garnier, notre jeune Corneille, pardon je m'exalte, je parle d'un ami disparu, cher Gabily, d'un motard, hélas! comme Coluche), bref, cet excellent comédien se bat, il est vaillant. Il transpire, l'animal, il sue comme un boeuf. C'est quelqu'un de volontaire sous son air un peu halluciné, rêveur, inquiet: il prend ses responsabilités, il fait le boulot, il se défend. Oui mais il n'est pas le personnage!
Nicolas est un arachnéen lunaire, il excelle dans la folie, l'excès, l'effroi (y compris burlesque). Là, il faudrait qu'il bande, qu'il pue la sueur, et qu'on sente pourquoi Melle Julie le désire comme on s'enfonce, comme on se noie. Il est prophétique, profond, transcendantal, Nicolas, il n'est pas du tout sexuel. C'est gênant parce que du coup on ne comprend pas pourquoi Julie craque. On attendait l'amant de Lady Chatterley, on a un Pierrot!
Du coup, le problème (même si l'on serait tenté de saluer la prouesse désespérée de Nicolas), c'est le couple qu'il forme (ou plutôt qu'il ne forme pas avec) avec Juliette. On ne croit ni à leurs étreintes ni même à leurs baisers. Ce qui manque, c'est: l'électricité, la tension, le désir. Je sais, on n'est pas dans Tennessee Williams mais quand même, c'est chaud, le nord, quand c'est l'été. En tous cas, Strindberg parle de ça.
Binoche fait une entrée magnifique: elle a la tête qui tourne, elle a chaud, elle a ses règles, je n'invente rien. Elle dit, la fille du comte, la comtesse, qu'elle préfère la bière au vin, et lui, ça l'excite. C'est une Célimène en cravache, et dépressive, avec cela. Chez Strindberg, la passion se conjugue au présent infernal, la guerre des sexes est un combat à outrance. Il faut remplacer la galanterie par la terreur. Dans un couple, n'importe lequel, on se déchire, on s'humilie, on s'abaisse. Pas de remède, pas de salut. C'est une alliance éperdue, fatale, sans remède - une mésalliance pas tant sociale, finalement, que métaphysique.
Devant l'homme - imparfait, veule, médiocre -, il y a la femme, forcément diabolique. On n'est pas dans la galanterie, dans une amourette de nuit d'été, on est dans la panique. On devrait. Ce qui nous manque, c'est la promiscuité féroce entre ces deux amants dépareillés, l'abîme de ressentiment qui les sépare, la haine qui fabrique un lien plus fort que l'amour. Il y a dans "Mademoiselle Julie" une odeur de sexe brutal et refroidi et de suicide dont ne subsiste ici qu'un faible parfum.
Je ne dirai rien du faux chic high-tech du décor (blanc), du choeur de paysans affublés de masques (blancs) qui twistent sous les bouleaux (blancs), ni du grand lapin (blanc) emprunté à Jeff Koons ou à Lewis Carroll qui apparaît comme un cheveu (blanc) sur la soupe. Pitié! J'ai aimé Bénédicte Cerutti dans le rôle de Christine la cuisinière mais on la voit peu.
Festival d'Avignon, 7. Rien ne va sauf Juliette! - Le Bateau Livre. Le blog de Frédéric Ferney www.cyfac.fr/airjordans.html [url=http://www.cyfac.fr/airjordans.html]www.cyfac.fr/airjordans.html[/url] www.cyfac.fr/airjordans.html [url=http://www.cyfac.fr/airjordans.html]air jordan pas cher[/url]
Rédigé par : louboutin pas cher | 02/10/2013 à 01:39